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X. — LA NOUVELLE ITALIE

Si on laisse de côté l’incroyable labeur qui marque toutes les phases de la guerre italienne, c’est cette dureté qui vous impressionne en toute occasion, depuis la nudité austère du grand quartier du général Cadorna, qui pourrait être un monastère ou un laboratoire, jusqu’à l’endurance du muletier, blanc de poussière, mais sans une perle de sueur, qui grimpe derrière sa bête les rudes échelons du sentier de montagne, ou de la sentinelle isolée qui se couche comme une panthère, collée contre une bosse de rocher, et reste aussi immobile que la pierre, sauf le mouvement de ses cils sur ses yeux.

Rien pour la pompe et l’ostentation, rien pour se faire valoir. « Voici, semble sous-entendre chacun, la besogne que nous faisons. Voici les hommes et les machines dont nous nous servons : tirez vos conclusions vous-même. » Aucune hâte, aucune fièvre, et « l’excitable Latin » de la légende boche n’apparaît pas. On trouve à sa place un système équilibré et souple, que met en œuvre un dévouement passionné ; l’ordre et l’économie dans les plus petits détails, avec la même sagesse et la même largeur de vues qui sait verser, quand il le faut, pour défendre les positions, le sang de vingt mille hommes. C’est la manière italienne, sans rien d’inhumain ni d’oppressif, et qui ne prétend pas non plus à la sainteté, mais fonctionne comme le couteau, — doucement et paisiblement, — jusqu’au manche.

Peut-être est-ce à la modération naturelle du peuple et à son existence au grand air, à ses habitudes strictes d’économie et à sa disposition à risquer légèrement sa vie pour des questions personnelles qu’il faut attribuer le développement de ce système ; ou bien peut-être s’est-il produit sous le glaive une renaissance de son génie séculaire d’administrateur. Quand on considère le plan d’ensemble de l’œuvre accomplie, on incline à la première opinion ; quand on regarde les visages des généraux, ciselés par la guerre en véritables camées de leurs ancêtres, on croit voir se dresser au-dessus d’eux les aigles romaines, et on incline vers la seconde.

Il faut dire aussi que l’Italie compte, en plus grand nombre que la plupart des pays, des hommes revenus avec leur pécule de la République de l’Ouest, pour se réinstaller chez eux. (On