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nappe des eaux, que plissent à peine des rides légères, le disque du soleil s’élève dans l’air bleu. Se tournant vers l’officier américain, pilote du navire : « Que c’est beau ! s’écrie le maréchal. J’aime ce soleil. Il me fait penser à celui de mon pays, le midi de la France. »

Dans le port où les contre-torpilleurs américains prennent leur mouillage, tandis que tous les navires hissent à leur grand mât les trois couleurs françaises, la musique d’un vaisseau de guerre attaque les premières notes de la Bannière semée d’Étoiles. Identiques, le bleu, le blanc, le rouge reparaissent en motifs divers, aux drapeaux des deux républiques. Avec le maréchal et l’amiral, officiers et marins portent la main à la hauteur du front comme s’ils saluaient, pendant que les graves mesures de l’hymne américain s’élèvent, le commun idéal de l’Amérique et de la France. Les civils se découvrent, jusqu’à ce que la dernière note ait couru sonore sur l’immensité des eaux, vers le lointain horizon. Un silence. Et la Marseillaise commence. La mission n’est pas encore à terre, et déjà l’Amérique et la France ont pleinement communié dans cette rencontre de deux nations qui, toutes deux sous les armes, ne laissent tonner, quelle que soit la joie de la rencontre, ni les salves de l’Amiral-Aube, ni celles du fort Monroe, sous lequel la Lorraine jette l’ancre. La poudre qui, en ce temps, a d’autres usages, attendra ; pour parler de meilleures occasions.


Washington, 25 avril.

A la courtoisie personnelle du chef de l’Etat, qui lui envoya son yacht, le Mayflower, la mission a dû de continuer sa route par la baie et le fleuve, jusqu’à la capitale fédérale. Reçue au chantier de l’Amirauté (Navy Yard) par le secrétaire d’Etat Lansing, elle passe près du Capitole, dont le svelte dôme s’enlève dans la verdure au-dessus des colonnes puissantes, et, par l’avenue de Pensylvanie, large voie bordée de grands immeubles, s’engage dans la ville. Devant la Maison Blanche, dont les jardins font presque toute la parure, sur la place où le général Andrew Jackson caracole en bronze sur un petit cheval qu’entourent de petits canons, deux grands monumens, l’un à Rochambeau, l’autre à La Fayette, s’élèvent, au pied desquels une délicate attention a placé des fleurs. La mission suit les voies ombreuses, bordées d’élégantes et confortables