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Une dernière fois, les accens de la Marseillaise retentissent, et les membres de la mission, que précède, une Bible sous le bras, un membre de la faculté, sortent lentement, cérémonieusement, chacun étant escorté d’un professeur qui lui prend le bras.

Dans l’immense salle rectangulaire, où se tiennent d’ordinaire les grandes foires de Chicago, salle choisie pour ses exceptionnelles dimensions, s’ouvre la réunion finale. A quarante mètres du sol s’élève le toit, soutenu par un enchevêtrement de poutres métalliques. D’un bout à l’autre de la voûte, un gigantesque déploiement de couleurs américaines en cache la nudité. A gauche de l’estrade improvisée, un immense drapeau français, couvrant comme un tablier la muraille, offre, entre deux palmes croisées, cette inscription en lettres d’or : « La Marne. » Du parterre aux galeries moutonne une mer humaine. Vingt-cinq mille personnes tiennent à la main gauche un petit drapeau américain, à la main droite un petit drapeau français. La mission entre et tous les drapeaux s’agitent. Pendant une minute, à perte de vue, ce n’est plus qu’un océan de petits points bleus, blancs et rouges, secoues comme par un ouragan furieux. Les troupes qui, à l’extérieur, formaient la garde d’honneur, défilent aux accens de la Marseillaise et prennent place autour de l’estrade. Magnifiquement, l’un des orateurs américains précise le but des Etats-Unis dans cette guerre : « De même qu’aucun homme n’a le droit de vivre pour lui seul, aucun peuple n’a le droit de vivre pour lui seul. » Se souvenant qu’il a été ministre du travail, le chef de la mission française remercie et salue, au nom des ouvriers français, les ouvriers appartenant à des races différentes, Slaves, Grecs, Tchèques, Russes, frères de ceux qui travaillent en ce moment à l’indépendance et à l’émancipation de la Russie, qui sont venus se fondre dans cet immense creuset qui constitue la formidable Amérique, et saisit cette occasion de répondre à la calomnie, propagée par l’ennemi, que la guerre actuelle est la guerre du capital.

Puis, d’une voix stridente, le gouverneur de l’Illinois, venu de Springfield, la capitale de l’Est, présente officiellement à l’assistance le maréchal Joffre. Bien qu’il s’en défende, n’étant pas orateur, le maréchal doit monter à la tribune. Aussitôt commence une ovation sans précédent dans l’histoire, cependant