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sans arrière-pensée la guerre qu’il a jugée nécessaire, et les alliances qui résultent de cette guerre.

Au Colisée, qui, l’an passé, vit, dans l’idylle d’une réconciliation générale, la Convention chargée de présenter le candidat démocrate se muer soudain, suivant le mot de William Jennings Bryan, en « fête d’amour, » une imposante manifestation de patriotisme se déroule. Au nom du cinquième régiment de Saint-Louis, les officiers remettent au maréchal Joffre un drapeau qui, d’après les mots mêmes du maréchal, le leur restituant aussitôt, va passer l’Océan, se trouver bientôt à côté du drapeau français, et, avec lui, dans un enthousiasme accru par cette rencontre, voler à la commune victoire.

Le lendemain, breakfast monstre à l’Athletic Club, où plus d’un est, vu le grand nombre des convives, prié de déjeuner par cœur ; des panoplies de drapeaux rappellent la libération des Etats-Unis, la cession de la Louisiane, la déclaration de guerre des Etats-Unis à l’Allemagne, avec ces trois noms, du côté de la France : « La Fayette, Napoléon, Poincaré ; » du côté de l’Amérique : « Washington, Jefferson, Wilson, » et ces trois dates : « 1776, 1803, 1917, » et cette devise, inscrite en capitales, face à la table d’honneur : « L’amitié de la France et de l’Amérique, fondée sur la liberté, est éternelle. » Non sans humour, avec une chaleur qui fait contraste à la tiédeur du premier magistrat municipal de Chicago, le président de l’assemblée porte en souriant, au nom de la municipalité, à la mission, le salut de la ville « allemande » de Saint-Louis.

Quand les voitures descendent la colline, vers le faubourg de verdure à l’extrémité duquel le train spécial attend, une longue ovation, sur un interminable parcours, unit toute la cité : commerçans du centre, ouvriers des quartiers écartés, enfans rangés des deux côtés de la chaussée, petits noirs à droite, petits blancs à gauche, tous accueillent, dans cette ville où, jadis, la France fut grande, sa gloire nouvelle qui passe, dans la splendeur du matin. Des banderolles s’agitent, de petits drapeaux frémissent, de fraîches voix crient : « Vive la France ! » la Marseillaise, la Bannière étoilée, s’entonnent de place en place, avec l’émouvante gravité d’un affectueux respect. Dans la cité que la France monarchique a non seulement fondée, mais nommée, sans que cependant aucune trace de vie française y demeure, c’est, quand le cortège tourne devant la statue équestre