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de la liberté. A force d’entendre : « Vive la paix ! Vive la fraternité des Peuples ! » on finit par oublier que, derrière ses abris bétonnés, par delà ses infranchissables réseaux de fils de fer barbelés, le tigre allemand guette, pareil au fauve dans la jungle, et se réjouit de cette foi naïve en l’universelle fraternité qui est le piège où il nous attend.

La splendide folie de désintéressement qui s’est emparée de la Russie et qui, en cette journée du 1er mai, a reçu la consécration des foules, était en germe dans l’Appel à tous les peuples et a trouvé sa forme définitive dans l’Appel aux socialistes de tous les pays, publié le 2 avril par le « Conseil des délégués des ouvriers et soldats » de Pétrograd. Après avoir déclaré que la Révolution russe est une révolution non seulement contre le tsarisme, mais contre l’entr’égorgement universel, l’Appel ajoute : « La démocratie révolutionnaire russe ne veut pas d’une paix séparée, qui serait de nature à délier les mains de l’Empire germanique. Elle sait qu’une telle paix constituerait une trahison envers la démocratie, et la livrerait pieds et poings liés à l’impérialisme. Elle sait qu’une telle paix ne pourrait conduire qu’à un désastre militaire de tous les autres pays, et ainsi affermir pour de longues années le triomphe du chauvinisme et de la revanche ; laisser l’Europe, après 1870, comme un camp en armes et préparer dans un avenir prochain un nouveau et sanglant corps à corps. La démocratie révolutionnaire russe veut une paix universelle sur une base acceptable pour tous les travailleurs de tous les pays qui ne veulent pas de conquêtes, qui ne cherchent à dépouiller personne, qui sont tous également intéressés à la libre expression de la volonté de tous les peuples, et au renversement de l’impérialisme international. Une paix sans annexions ni contributions, sur la base du libre développement de tous les peuples, cette formule, comprise et accueillie sans arrière-pensée par l’intelligence et par le cœur du prolétariat, donnerait la base sur laquelle pourront et devront s’entendre les travailleurs de tous les pays, belligérans et neutres, pour établir une paix durable et pour guérir dans des efforts communs les plaies causées par la lutte sanglante.

« Le Gouvernement provisoire de la Russie révolutionnaire a fait sienne cette manière de voir fondamentale, et la démocratie révolutionnaire s’adresse avant tout à vous, socialistes