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M. Albert Thomas suit de très près ce qui se passe et prend part aux pourparlers. Il s’est concilié beaucoup de sympathies à Pétrograd et y jouit d’une grande autorité morale.

Le projet de conférence de Stockholm vient d’entrer dans une phase nouvelle plus apaisante. M. Tchkhéidzé, président du Conseil des ouvriers et des soldats, a reçu une lettre de M. Mœring, un des vieux chefs du socialisme allemand. L’ancien leader déclare qu’il ne participera pas au Congrès. Il croit pouvoir faire la même déclaration au nom de l’aile gauche internationaliste des socialistes allemands et pense que ses amis incarcérés, Liebknecht et Rosa Luxembourg, se seraient abstenus également s’ils avaient été libres. M. Mœring considère M. Scheidemann, qui doit se trouver à la tête de la délégation allemande, et son groupe comme des agens du gouvernement allemand, et cela justifie et motive son abstention.

Cette lettre, reçue quelques jours plus tôt à Pétrograd, y aurait fait sensation et aurait probablement déterminé les socialistes russes à s’abstenir. Mais elle arrive en même temps que l’annonce d’un changement de programme qui doit, parait-il, modifier considérablement l’aspect du Congrès : cette nouvelle orientation de la conférence n’est pas encore connue.

M. Moutet revient du front et se prépare à rentrer à Paris. Je vais le voir. MM. Cachin, Claude Anet, Soldatenko sont auprès de lui. Tout en disposant chemises et faux cols dans sa valise, le député socialiste nous fait part de ses dernières impressions. Politiquement, elles sont plutôt bonnes. La délégation française a eu de longs entretiens avec le Conseil et doit se rencontrer de nouveau avec lui cette nuit. Déjà on est d’accord sur presque tous les points... La Russie n’est pas si profondément atteinte que les apparences le font craindre. Elle possède des hommes qui ont une compréhension profonde de la situation. Il faut espérer en eux.

On attend pour demain la solution de la crise gouvernementale. Nous saluons avec un grand élan d’espérance cette éclaircie dans le ciel si sombre de ces derniers jours.


MARYLIE MARKOVITCH.