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moment de la crise. Revirement, dénouement provisoire.

M. Michaelis est peu connu. On se rappelle qu’il est docteur en quelque chose d’une quelconque Université ; qu’il fut professeur de droit au Japon ; puis, rentré en Allemagne, tour à tour magistrat, sous-préfet, préfet ; qu’il était, en dernier lieu, commissaire aux vivres pour la Prusse ; qu’en cette qualité il eut maille à partir avec le Ministre de l’Agriculture, lui-même agrarien, M. de Schorlemer, et que c’est lui, M. Michaelis, qui eut la meilleure poigne et fit partir la maille. Si la fortune voulait qu’il fût un nouveau Bismarck ! L’Allemagne attendit avec anxiété l’homme nouveau à son premier discours. Ce fut une déception. Elle ignore encore ce qu’il est, mais elle sait déjà que ce n’est ni un Bismarck tout fait, ni de quoi le faire.

Lisons ce discours avec nos propres yeux, et non avec des lunettes allemandes. Il est si peu original qu’il suffit de le parcourir. Dédaignant la fastidieuse et inutile controverse sur « les responsabilités de la guerre, » au sujet desquelles ni la justice ni l’histoire ne sauraient admettre une discussion, nous avons noté cinq ou six passages : celui où M. Michaelis apostrophe indirectement M. von Tirpitz et l’amiral von Capelle, ces gens qui, en prédisant la fin de la guerre à date fixe par le triomphe du sous-marin, « n’ont pas rendu service à la patrie ; » celui où il jure que l’Empire, fidèle à ses alliances, observera, repentir méritoire, ses contrats et ses traités ; celui où il est contraint de faire « la pénible constatation que, par suite de l’économie de la guerre, les relations des villes et des campagnes « ont été troublées. » Cela regarde spécialement l’Allemagne, mais ceci nous regarde pour notre part. L’Allemagne, « qui n’a pas voulu la guerre, » ne voudra la paix que comme une nation « qui s’est battue victorieusement, » sur la base, toujours, de la carte de guerre. « Tout le territoire de la patrie est sacré. Nous ne pouvons négocier avec un adversaire qui réclame une partie du territoire de l’Empire (l’Alsace-Lorraine). Nous devons obtenir que les frontières de l’Empire soient garanties à jamais (la Belgique, le bassin de Briey). Nous devons, par voie d’entente et de compromis, garantir les nécessités vitales de l’Empire allemand sur terre et sur mer. La paix doit constituer une base pour la réconciliation durable des peuples, empêcher leur hostilité lointaine exprimée par des boycottages économiques, nous protéger contre la transformation de la ligue militaire de nos ennemis en une ligue économique. »

C’est là que perce le bout de l’oreille, c’est là que le bât blesse