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ou boisée, peu importe. Ils n’ont qu’un mot d’ordre : En avant, toujours en avant ! L’artillerie ennemie fauche des lignes entières ; souvent, il ne reste plus que des cadres. Bientôt, les brèches sont comblées, le corps est reconstitué et il avance sur des tas de cadavres. La semaine dernière (bataille de Mons), leur puissance numérique était telle qu’on ne pouvait pas plus les arrêter que les flots de la mer. »


Chez les neutres. — Si l’impression est telle chez l’ennemi, que sera-t-elle chez les neutres ?

Les meilleurs sont ébranlés : ils cherchent les raisons de ces succès incontestables, analysent, comparent la qualité des armées, le mérite des chefs. Ainsi ils sèment, sans le vouloir, un doute de plus dans l’esprit des peuples alliés, au moment où ceux-ci auraient besoin de tout leur sang-froid, de toute leur confiance.


Les observations principales que l’on peut déjà tirer de la bataille, écrit un Italien, le sage Angelo Gatti, sont les suivantes :

1° Les Allemands ont, au point de vue stratégique, atteint leur but. Ils ont pénétré entre les trois alliés, les ont en partie battus, en partie séparés, de sorte que, au jour de la bataille, ils se sont trouvés en ordre compact, alors que les adversaires étaient divisés. Toutefois, les différentes armées allemandes ne sont peut-être pas encore suffisamment fortes pour accomplir la tâche qui leur incombe, puisque, malgré une excellente impulsion, elles n’ont nullement réussi à écraser l’ennemi et ont même failli être arrêtées par lui. (C’est la seule restriction que sa sympathie se permette.)

2° Les Belges, les Anglais et les Français n’ont pas pu, après vingt-cinq jours de guerre, réunir les différens commandemens en un commandement unique et coordonner entre eux les mouvemens. Chacun a combattu vaillamment, mais pour son propre compte ; les Belges d’abord et seuls ; les Anglais, à l’endroit où ils s’étaient portés après le débarquement ; les Français, en des endroits imprévus imposés par la nécessité du moment.

3° Les Français n’ont pas cru, jusqu’à il y a très peu de jours, à la gravité de la menace allemande en Belgique... Il est difficile de penser que l’action, plutôt décousue et limitée, confiée aux armées françaises, samedi et dimanche, ait été le fruit d’une étude longue et réfléchie.

4° La valeur déployée par les troupes alliées dans faction tactique a, d’une façon ou d’une autre, diminué les défauts de la conception stratégique.