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cardinalice, représentante de l’Église maternelle, a des allures fraternelles. Il réclame ces allures de tous les chrétiens :


Bien des personnes d’un certain rang social, qui volontiers s’inclinent profondément devant un miséreux, seraient tentées de se détourner à la rencontre d’un ouvrier aux mains calleuses, d’une petite bourgeoise de modeste origine ; elles rougiraient de leur tendre la main, de leur prêter service. N’imitez pas cet exemple. Les castes sont pour l’Inde, elles ne sont pas de l’Église de Dieu. Dans l’Église, nous sommes tous frères et sœurs[1].


Il a pitié de ces foules ouvrières que les conditions matérielles de leur existence éloignent de l’Église ; et c’est pour les « aider à sortir de leur état de dépression, à rendre leur âme plus libre, » qu’il réclame le concours des catholiques pour l’organisation des métiers, et qu’il veut que les patronages soient des centres d’éducation positive, de solidarité professionnelle[2].

Il y a une dernière forme de l’esprit de caste ; c’est un certain orgueil de l’orthodoxie : le cardinal, encore, s’insurge à l’encontre. La charité intellectuelle, la charité tout court, lui paraissent être des vertus dont on n’est pas dispensé par la correction de la foi. À cette correction, nul ne tient plus que lui : sur un signe de Pie X, il étudia le modernisme avec l’ampleur d’un philosophe, et l’exactitude d’un témoin sincère et pondéré. Il écrivait d’autre part, au début du présent pontificat :


Nous ne nierons pas qu’en certains pays catholiques, en Italie et en France notamment, l’anti-modernisme avait lancé certains tempéramens impétueux, plus puissans d’ailleurs en paroles qu’en œuvres, dans des polémiques âpres, insidieuses, personnelles. Il semblait que la profession de foi catholique ne suffît plus à ces chevaliers improvisés de l’orthodoxie, et que, pour obéir plus humblement au Pape, il fallût braver l’autorité des évêques. Brochuriers ou journalistes sans mandat, ils excommuniaient tous ceux qui ne passaient pas de bonne grâce sous les fourches caudines de leur intégrisme. Le malaise commençait à travailler les âmes droites ; les consciences les plus honnêtes souffraient en silence. D’un geste d’autorité, Benoît XV remet les choses au point. Quelques lignes de lui sont l’arrêt de mort de cet intégrisme brouillon[3].

  1. Mercier, Œuvres pastorales, I, p. 76.
  2. Ibid., I, p. 94 et III, p. 32-34.
  3. Mercier, Per crucem ad lucem, p. 70.