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Et vous, Fontainebleau, dont l’âme est si diverse,
Je sens votre parterre en moi-même qui verse
La lente majesté de son siècle écoulé,
Au cœur des bois vieillis ô bouquet déroulé !




Si vos buis composés ou vos eaux transparentes
Offrent à l’infini des beautés différentes,
Pourtant d’un même cœur héroïque et puissant
Dans un rythme pareil s’élance un même sang !
Charmilles, palpitez ! Fleurissez, ô balustres !
Dans ces parfaits séjours, secrets autant qu’illustres,
Que la rose au parterre élève son baiser
Et qu’aux terrasses monte un nuage embrasé !
Blancs aux feuillages verts, dans ces lieux d’épopée.
Sous les arbres levant le sceptre ou bien l’épée
Malgré tant de saisons qui se font leur bourreaux,
Que survivent les dieux où naissaient les héros !




Miroir du parc d’OGNON, avec quelle tendresse
J’aime à rêver de vous... Nulle part ne se dresse
Aussi fidèlement, dans sa forme et sa voix,
L’image de jadis que j’entends et je vois.
Relique du Grand Siècle en ces bois oubliée,
Clairière d’eau splendide à la forêt liée,
Si tout parle à mes yeux tout est silencieux
Et sur le cœur de l’eau s’abandonnent les cieux !
Vieux arbres vert-feuillus de la racine au faîte,
Vases purs, dieux altiers, « Gloriette » de fête,
Tels surpris au filet de superbes oiseaux.
Vous êtes des captifs que retiennent les eaux...
Décor indéfloré de sa fête galante,
Sur le degré tranquille ou bien sur l’onde lente
C’est là que dans son rêve eût regardé Watteau
S’avancer le cortège et voguer le bateau...
Et là même, aujourd’hui, La Touche au clair génie
N’eût pas manqué d’offrir, dans toute l’ironie
D’un pinceau lumineux, d’un esprit inlassé,
Un hommage imprévu du Présent au Passé !