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surtout de la double victoire de Douaumont-Lonvemont, remportée coup sur coup, en quelques heures, presque sans pertes, l’Allemagne avait gardé un ressentiment profond. Ces revers si cuisans lui restaient sur le cœur. Par deux fois, en octobre et en décembre, nos divisions « soigneusement instruites, » après une préparation d’artillerie de plusieurs jours, s’étaient élancées à la charge « comme à la manœuvre. » Par deux fois elles avaient fait ce qu’il leur avait plu, franchi en se jouant les barrages, sans que les troupes ni l’artillerie allemandes aient su leur opposer un obstacle sérieux. Le Français n’est plus l’adversaire brave et écervelé qui ne compte que sur son élan : chose plus grave, il a une méthode, et cette méthode s’est trouvée victorieuse. « L’ennemi, dit une instruction du Kronprinz, emploiera désormais les mêmes procédés, perfectionnés encore, même dans des attaques de plus grande envergure. Il faut que la défense s’oriente d’après cette règle. Les causes des succès de l’ennemi sont connues. Il s’agit que ces succès ne soient plus possibles à l’avenir [1]. »

Ainsi l’expérience de Verdun et de la Somme a révélé aux Allemands notre supériorité technique. Force est de reconnaître « les progrès indéniables de l’infanterie française. » Il ne sera pas dit que la France aura eu raison de la science et de la ténacité allemandes. Aussitôt, avec cette énergie et cet esprit de suite qui le caractérisent, l’état-major allemand entreprend de refondre sa tactique de combat et d’opposer à notre méthode d’attaque une nouvelle méthode de défense. De là, le plan de la « ligne Hindenburg. »

Dans un mémoire confidentiel du 26 décembre 1916, Hindenburg analyse les raisons des « graves et douloureux échecs » des semaines précédentes et trace les grandes lignes du système. A Verdun, la première défense culbutée, nous n’avions plus trouvé devant nous d’organisations sérieuses ; les réserves se sont vues submergées par nos troupes sans avoir le temps d’intervenir. En deux heures, nous progressions de trois kilomètres jusqu’aux positions de batteries. Il faut donc avant tout retarder l’ennemi et opposer à son avance des difficultés sans cesse renouvelées : qu’il ne puisse franchir un obstacle sans

  1. Considérations sur la défense et la construction des positions, mémoire de l’état-major du groupe d’armées du Kronprinz, 3 février 1917, signé : Von Schulenburg.