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la Franche-Comté, par exemple, la hausse des « Gruyère » a exercé la même influence sur le prix du lait vendu en nature, à l’état frais. La valeur du produit industriel a pour contre-artie la valeur de la matière première, et la hausse du premier entraîne la hausse de la seconde.

« Il est déplorable, dit-on, de voir augmenter le prix des denrées de première nécessité ! »

La hausse n’est-elle pas expliquée et, en somme, parfaitement justifiée par les conditions nouvelles de la production ? Qui pourrait le nier quand on a vu quels étaient désormais les salaires et les cours des produits dont les agriculteurs font usage ?

Que n’a-t-on pas dit cependant à propos de la hausse ? Toute variation de prix dans le sens de la cherté apparaît au public comme une sorte d’attentat contre la tranquillité de tous et contre les intérêts de la société. La cherté des denrées alimentaires ne peut être, à ses yeux, que le résultat d’une entente frauduleuse et criminelle, d’une insupportable avarice, ou d’un accaparement dont il faut châtier les auteurs avec une impitoyable sévérité. Sans doute les esprits, plus exaltés et généreux que perspicaces et réfléchis, se bornent d’ordinaire à blâmer les intermédiaires, les négocians, les revendeurs, les marchands au détail, mais, en ce moment, ils n’hésitent plus à dénoncer les agriculteurs eux-mêmes. Ils croient très sincèrement que ces derniers veulent s’enrichir aux dépens d’autrui, et ils disent que la terre, l’air, l’eau et le soleil n’ayant pas changé de prix, les denrées agricoles fournies par la Nature ne devaient pas subir une hausse ! Ce sont là de pauvres raisonnemens. L’agriculture comme toutes les industries est obligée de faire des avances, et les valeurs qu’elle consomme pour produire doivent avoir pour contre-partie des valeurs au moins égales représentées par ses recettes. Parmi ces avances figurent précisément les salaires, les matières premières achetées par les cultivateurs, semences, engrais industriels, alimens donnés au bétail et fournis par l’industrie. Dès lors, la hausse de ces avances comporte logiquement l’élévation du prix des denrées agricoles.

Les cours montent ainsi sans que les cultivateurs soient le moins du monde responsables de cette marche ascensionnelle Jamais le producteur rural ne fixe les prix ; jamais il n’accapare ou ne constitue des groupemens capables de provoquer un