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LA QUESTION DE LA TAXATION ET LES DANGERS DE LA FIXATION ARBITRAGE DES PRIX

Nous avons signalé plus haut les doléances du public à propos de la cherté relative des denrées alimentaires. Le consommateur des villes, notamment, a vivement protesté contre la hausse, et, sans s’inquiéter des conditions nouvelles de la production, il a demandé au législateur de le protéger contre les prétentions intolérables des intermédiaires, des accapareurs ou des agriculteurs eux-mêmes.

C’est au nom des familles nombreuses, au nom des humbles et des gens de fortune modeste, que les partisans de la taxation ont élevé la voix. Leurs réclamations, leurs appels à l’intervention de la puissance publique ont été d’autant mieux accueillis que la hausse se produisait plus rapidement.

La loi du 16 octobre 1915 permit tout d’abord à l’État de procéder à des opérations de vente et d’achat de blé pour assurer le ravitaillement de la population civile. Ce texte prévoyait les réquisitions imposées aux producteurs comme aux détenteurs de blé, et fixait à 30 francs le prix maximum alloué, par quintal, aux propriétaires des grains réquisitionnés. En même temps, le droit de douane, supprimé en 1914, était rétabli. Dès lors, le prix de revient du blé majoré de 7 francs par 100 kilos rendait toute opération impossible pour les particuliers qui ne pouvaient pas utiliser les réquisitions à leur profit. L’État se trouvait ainsi investi de tous les pouvoirs nécessaires pour monopoliser, en fait, le commerce du froment tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Quant à l’agriculteur, il était bel et bien. contraint de céder son grain à 30 francs par quintal, alors que le prix normal se fût élevé pour lui à 35 ou 36 francs sous le régime de la liberté du commerce ! Enfin, la farine était également taxée.

A ce moment, un partisan enthousiaste de la taxation disait audacieusement :

« Le consommateur qui paie toujours son pain 45 centimes le kilo constate que, dans la crise générale de la vie chère, l’élément essentiel de son alimentation, la base de la nourriture de la famille française, est demeuré invariablement accessible aux petites bourses et aux familles nombreuses. »