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faits à l’étranger par l’État sont beaucoup plus onéreux et que le vendeur français est moins bien traité que le vendeur américain ou argentin. Ce contraste lui paraît inexplicable. Il se demande pourquoi la taxe réduit le montant de ses recettes, non seulement quand il s’agit des grains, mais lorsqu’il est question de lait, de beurre, de fromages, de légumes secs ; il n’admet pas que le législateur hésite à taxer dès lors les salaires des ouvriers agricoles, le fer des charrues, et tous les objets qui sont achetés par les producteurs ruraux.

D’ailleurs le législateur se rend compte lui-même de la situation faite à l’agriculteur et des sentimens qui l’animent. On a proposé, l’hiver dernier, d’accorder à tout producteur de blé une prime de 3 francs par quintal, et une autre prime de 20 francs par hectare ensemencé au delà de la surface consacrée à la culture du froment en 1915. Cette prime double n’a pas été votée ; son effet sur les semailles d’automne a donc été nul, et, d’autre part, le payement de ces allocations spéciales ne pouvait manquer d’entraîner des vérifications, des enquêtes, des lenteurs et des déceptions de toutes sortes !

Ainsi, à l’heure où il conviendrait de stimuler toutes les énergies, de faire appel à toutes les bonnes volontés, de récompenser tous les labeurs utiles, le système de la taxation est au contraire généralisé, il décourage, il irrite, il refuse aux meilleurs serviteurs du pays, à ceux qui le nourrissent, les prix élevés dont bénéficient pourtant ceux qui vendent à ces mêmes agriculteurs, ou leur travail, ou leurs produits industriels.

Certes nous n’approuvons pas le système du maximum adopté par la Convention nationale, mais du moins nous faut-il reconnaître que cette Assemblée avait traité les agriculteurs avec moins de partialité et de rigueur, car elle avait taxé les salaires ruraux, les gages, et tous les produits achetés par les « laboureurs. »

Le traitement qui leur est infligé aujourd’hui ne saurait donc manquer de produire les effets déplorables, déjà constatés pourtant sous la première Révolution.

Si nos taxes actuelles réussissent à réduire les prix de vente des produits agricoles en dépit de l’augmentation des dépenses de l’agriculteur, celui-ci cessera de produire. Ce sont les quantités disponibles qui diminueront parce que le cultivateur découragé n’aura plus ni la volonté, ni la possibilité d’accomplir