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sanguin, c’est-à-dire sur les voies de communication capables de les déverser vite aux points menacés, ces bons microbes, dis-je, déclenchent en plein leur riposte aux environs de la vingtième heure. A ce moment, la bataille est engagée dans toute sa violence. Cette phase de la réaction de l’organisme est marquée par l’apparition de la suppuration et du pus. C’est, pour continuer mon parallèle, à peu près l’équivalent de la phase guerrière où se trouvaient, ces dernières semaines, arrivés nos amis russes.

Les tissus mortifiés ont alors disparu. En pratique, on ne rencontre guère à ce moment comme microbes que des cocci ou des coccobacilles.

Quant aux leucocytes, pour ne rien celer de leur état civil, je rappellerai que ce sont des polynucléaires neutrophiles. J’ai eu l’occasion naguère d’examiner ici même le mécanisme de la réaction phagocytaire, et de montrer que les idées de M. Metchnikoff sur ce sujet, pour ingénieuses et intéressantes qu’elles soient, ne constituent pas toute la vérité. A côté de la phagocytose, qui est, comme on sait, un phénomène de destruction et d’absorption des microbes pathogènes par les globules blancs qui les étreignent et les digèrent, à côté de cette action directe, il est aujourd’hui prouvé que les leucocytes agissent autant, sinon davantage, d’une façon indirecte, par les produits non vivans qu’ils sécrètent et qui sont de diverses natures : les uns neutralisant les substances toxiques produites par la décomposition des tissus ou émises par les microbes ennemis, les autres paralysant ces microbes eux-mêmes.

Il y a dans tout cela des analogies multiples et profondes avec ce qui se passe dans la guerre humaine. La phagocytose, la lutte de deux microbes qui s’étreignent, n’est-ce pas la lutte corps à corps de deux guerriers, la forme la plus ancienne du combat, celle qui ne disparaîtra jamais ? Les substances sécrétées par les microbes pathogènes ou les leucocytes ne sont-elles pas analogues aux projectiles, aux nappes de gaz, aux jets de flamme par lesquels les combattans agissent de loin, soit sur leurs adversaires, soit sur le milieu qui abrite et ravitaille ceux-ci ? On pourrait pousser très loin jusque dans les détails ce parallèle.

N’est-il pas suggestif aussi que, de même que, dans la guerre présente on a cru d’abord à l’efficacité prépondérante des hommes, puis plus tard seulement à celle du matériel et des engins, pareillement la théorie phagocytaire, où le corps à corps des microbes était tout, se soit vue supplantée bientôt par la théorie humorale qui