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Schlusselbourg a essayé de constituer une république ; des nouvelles alarmantes arrivent de Cronstadt. On assure que des drapeaux allemands ont flotté dans les rues de Pétrograd, ainsi qu’à Biéléostroff, en Finlande. En ce qui concerne la capitale, un député de la Douma a confirmé le fait dans une réunion tenue à l’hôtel Astoria. Un appel circule parmi les officiers et les soldats pour aller combattre dans les rangs de l’armée française si la Russie venait à manquer à ses engagemens. On compte sur 100 000 volontaires. Le difficile serait d’obtenir les permissions des autorités compétentes.

A mesure que s’accentue le mouvement créé sur le front par le ministre de la Guerre, les maximalistes intensifient leur protestation.

Aujourd’hui, un junker, monté sur l’escalier extérieur de la Douma de la ville (mairie), a harangué la foule en notre présence. Il l’appelait au partage des biens, à la lutte des classes, et invitait les soldats à quitter l’armée et à retourner dans leurs maisons. Un officier est monté vers lui et lui a brusquement demandé ses papiers.

— Vous êtes un fou ou un provocateur, a-t-il dit.

C’était tout simplement un bolché-wik, partisan de Lénine, élève-officier à l’École Wladimir. A la venue de l’officier, il a foncé comme un bélier dans la foule qui le huait et l’a poursuivi jusqu’à l’hôtel de l’Europe où il a été arrêté. La convocation d’une conférence internationale à Stockholm provoque d’ardentes polémiques. Nos socialistes majoritaires ont promis-au Conseil d’y rallier leur parti. Les journaux français de l’opposition sont âprement commentés.

18/23 mai. — De nouveau nous vivons des heures angoissantes. Ces journées peuvent être caractérisées par la lutte entre deux partis : pour et contre l’offensive. Tandis que Kérensky soulève sur le front une tempête d’enthousiasme ; tandis que les soldats, électrisés par son patriotisme communicatif, font pleuvoir sur lui leurs médailles et leurs croix de Saint-Georges ; tandis que Broussiloff, Goutor, Korniloff préparent le moral de leurs armées à la perspective d’une prochaine entrée en campagne, le ministre de l’Agriculture, Tchornoff, prononce à Pétrograd des discours contre l’offensive ; le ministre Skobeleff déclare publiquement que « l’on prendra aux industriels capitalistes le 100 pour 100 de leur bénéfice, » ce qui empêche le