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symbole du culte rendu à Michizane et comme le dieu lui-même. Comme Michizanc était le dieu des lettrés, le prunier devint l’emblème des lettres elles-mêmes, et comme le prunier est un arbre de printemps, c’est au printemps qu’était célébrée la fête du temple, et c’est au printemps aussi que doit être joué de préférence le Nô d’Oiniatsu (ou, pour traduire littéralement, du Pin qui suit).

Le Nô d’Oiniatsu est d’une ordonnance simple et classique. Des voyageurs se présentent devant le temple d’Anraku, le Vieux-Pin et le Prunier-rose, pour honorer le dieu et pour interroger les gens du pays sur l’origine du temple. Des jardiniers, gardiens des deux arbres, leur répondent. Le chœur décrit le temple, les arbres, et explique le sens profond de la légende. Un paysan rappelle dans un récit (katari) l’histoire de Michizane, de ses malheurs, puis de sa réhabilitation et de sa divinisation. Le gardien du Vieux-Pin, qui jusque-là était apparu en vieillard, se découvre alors comme le dieu lui-même. Il apparaît portant la coiffure et le masque réservés aux dieux, le grand pantalon évasé, la tunique aux larges manches, et tenant à la main l’éventail hiératique vert et or. Il commence à ce moment la danse sacrée, tout en chantant avec le chœur l’éloge du Vieux-Pin et en célébrant les vertus et la gloire de l’Empereur avec lequel, par la force du « karma » bouddhique, l’âme de Michizane s’est réconciliée.

Le chœur avait, dans la première partie, chanté la vertu, l’âme des plantes :


Sont-elles vraiment privées d’âme,
Les plantes, comme on le dit ?
Les obligations de la vie, en ce monde d’illusion,
Elles les connaissent, oui, elles les connaissent.
Entre tous les arbres, le pin et le prunier
De Tenjin furent les plus chéris :
Et le Prunier-rose et le Vieux-Pin
Sont devenus les dieux des chapelles de ses temples.


Le chœur et le shite lui-même rappellent ensuite que le pin éternellement vert est la constance et la force, que le prunier est le printemps, la poésie et aussi le Japon même, l’ancien nom du Japon, « Shikishima, » et le nom de la poésie, « voix de Shikishima, » se confondant en Michizane-Tenjin, protecteur des lettres.