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Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 41.djvu/210

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de tranchées. Pour la première fois dans la fortification il était fait application de ce principe inscrit depuis dans nos règlemens, à savoir : qu’une ligne de tranchées se défend moins par des feux directs que par des feux de flanquement. Il semble qu’Allent, l’historien du Génie, tout en appréciant le tracé de Monluc, n’ait vu dans ce dispositif que de simples places d’armes où on logeait des soldats « pour soutenir les travailleurs[1]. » Les arrière-coins étaient destinés à procurer des vues de flanc sur l’ennemi et permettaient de le repousser, alors même qu’il avait pénétré dans la tranchée ; ils servaient également à abriter les troupes ayant mission de contre-attaquer. Cela résulte clairement de deux passages des Commentaires.


Monluc n’est pas seulement un technicien, il sait à merveille, comme nous l’avons dit, faire travailler la troupe et en obtenir le maximum de rendement. Il connaît à fond l’âme du soldat et ce qu’on peut demander à celui-ci, lorsqu’on paye de sa personne. L’influence personnelle, l’ascendant moral du chef, ne doivent pas en effet s’exercer seulement dans le combat, mais chaque fois qu’il y a un effort à exiger de la troupe. Ainsi le comprenait Monluc, toujours prêt à donner l’exemple.

En 1545 devant Boulogne, les pionniers se débandent, « comme c’est l’ordinaire de cette canaille, » avant d’avoir terminé la courtine d’un ouvrage que l’on avait décidé de construire pour bloquer la ville au pouvoir des Anglais. Le vieux maréchal du Biez, lieutenant du roi, après avoir vainement cherché à embaucher d’autres pionniers, voulut faire exécuter le travail par les soldats ; ceux-ci se dérobèrent, objectant que ce n’était point leur métier. La situation était critique : les Anglais venaient de recevoir des renforts. « Je me résolus, dit Monluc, de trouver le moyen pour faire travailler les soldats, qui fut de donner à chacun qui travaillerait cinq sols comme aux pionniers. Monsieur le Maréchal me l’accorda fort volontiers, mais je n’en trouvai pas un qui y voulût mettre la main. » que fait Monluc ? Il prêche d’exemple : il réunit sa compagnie à trois autres commandées par ses proches parens et don ! , les soldats « ne

  1. Histoire du Corps impérial du Génie, par A. M. le lieutenant-colonel du génie, Paris 1805, in-8o, t. I, p. 17.