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justement et prouve que l’apprenti homme d’État ne l’a pas jetée sur le papier, soudain, comme un poème : il l’a sérieusement élaborée. On en trouve les premiers élémens, au jour le jour, dans la correspondance de Lamartine ; les élémens se coordonnent peu à peu. Cette doctrine, ensuite, Lamartine s’en souviendra : la vie politique de Lamartine est moins dénuée d’« unité » qu’on ne le raconte. Mais enfin, Lamartine est-il républicain, dans La politique rationnelle, en 1831 ? Car il écrit : « La république, mais la république mixte, à plusieurs corps, à une seule tête, république à sa base, monarchie au sommet… » Il faut traduire le rébus ; « il faut aller au fond des choses, » dit Barthou, qui ajoute : « On s’y est mépris ; et j’avoue m’y être ailleurs trompé moi-même… » Allons au fond des choses : la république de Lamartine, en 1831, c’est « la monarchie constitutionnelle. » Probablement. Toujours est-il qu’à la veille d’influer sur le gouvernement de son pays, et en dépit de La politique rationnelle, Lamartine ne tient pas toute sa politique. C’est trop exiger ? Sans doute.

Il est élu député de Bergues, le 7 janvier 1833. Il accomplissait alors son fastueux voyage d’Orient. Il fait son entrée à la Chambre vers la fin de l’année. Le poète des Méditations : magnifique événement ! On lui demande où il siégera : c’est que La politique rationnelle n’est pas une indication suffisante. « Au plafond ! » répond-il ; et, comme la réalité ne se prête pas à tous les symboles, il s’assied sur l’un des bancs les plus élevés de la droite. Il monte à la tribune, la première fois, le 4 janvier 1834. Est-il prêt ? Son ami Dargaud lui disait : « Les inspirations ne suffisent pas, sans les convictions ; » et il répondait : « A la longue, les inspirations font les convictions. » Ce premier discours, un peu vague. Il s’agissait des Vendéens : et Lamartine réprouvait la guerre civile ; mais il réclamait l’indulgence en faveur de ces révoltés « dont le crime n’est qu’une erreur de leur fidélité. » Belle pensée ; et les mots, dignes de la pensée. L’orateur, après cela, sut qu’avec une belle pensée et les mots dignes de la pensée l’on n’est pas un orateur, « L’essai de M. de Lamartine nous semble du plus favorable augure pour la suite de sa carrière parlementaire, » dirent les Débats. Lamartine se dit qu’il avait tout à recommencer.

Il se mit à la besogne avec entrain. L’on s’attendait que Lamartine fût un improvisateur. Lui-même, ne s’y attendait-il pas ? Il a redouté la tribune : il a écrit son premier discours ; il en écrit d’autres. Mais il a résolu de « s’accoutumer au feu. » Il a de l’audace et de la