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l’invasion, en emportant sur leur dos, sur leurs chevaux, sur leurs chariots tout ce qu’elles avaient pu, en hâte, rassembler de leur avoir. Cet exode lamentable rappelait celui que Goethe a dépeint en des pages saisissantes et qui s’était opéré dans le sens inverse, lorsqu’en 1794 ces mêmes populations alarmées avaient pris la fuite à l’approche de l’armée française. Dès le 6 janvier, on signala, dans les environs de la ville, les premières avant-gardes de l’ennemi. Les régimens du général Lacoste et la cavalerie du général Doumergue s’étant retirés sur Metz, la place de Sarrelouis, confiée par le duc de Raguse à la garde du colonel Laurin de Mirel, se trouvait presque démunie de défenseurs. A la date du 8 janvier, le maire Reneauld confie ses inquiétudes au préfet de la Moselle :


Notre garnison, lui écrit-il, est très faible et composée de jeunes conscrits. La garde nationale est organisée provisoirement ainsi qu’il suit : une compagnie d’artillerie de 32 hommes ; une compagnie de pompiers de 50 hommes ; le surplus des hommes forme quatre compagnies de fusiliers de 400 hommes, ce qui fait, avec les canonniers et pompiers, environ 500 hommes. Nous sommes donc livrés et abandonnés à nous-mêmes, avec très peu de moyens : nonobstant, nous ferons, tous, notre devoir.


Un fort détachement d’infanterie, de cavalerie et d’artillerie ainsi que la gendarmerie du canton furent envoyés en hâte dans la place, qui se trouva, de ce fait, à peu près en état de soutenir un siège. L’armée ennemie qui s’avançait était sous les ordres du général von Biberstein. Sarrelouis fut investie et bombardée ; la garnison se défendit courageusement, fit des sorties nombreuses, surprenant les postes, harcelant l’ennemi qui occupait les faubourgs, lui enlevant des convois de vivres et de munitions.

Le courrier de Metz ayant suivi la retraite de la colonne du général Durutte, avait quitté Sarrelouis pour la dernière fois le 10 janvier. Quel ne fut pas l’étonnement de la population assiégée, lorsque, le matin du 12 avril, elle apprit que le courrier était revenu et qu’avec l’autorisation des Prussiens il venait, dans la nuit, de rentrer dans la ville ! Il apportait la nouvelle que Napoléon avait abdiqué à Fontainebleau et que la paix était signée entre les Alliés et le roi de France Louis XVIII. Le vendredi, 15 avril, le commandant de la place, ayant reçu de Paris des ordres formels du ministre de la Guerre, eut, hors les murs, une entrevue avec le général von Biberstein.