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glorieux Saint-Empire romain germanique du Moyen âge… »

Il y a « une suite logique, de la part de la Prusse, entre les visées du traité de 1815 et celui de 1871, et la tentative avortée en 1875[1], de recommencer la guerre pour écraser définitivement la France. Mais en nous arrachant l’Alsace et la Lorraine, la Prusse a semé le vent dont l’avenir lui réservera la tempête… » Balcer espère qu’une solution pacifique interviendra pour faire triompher la cause de la justice. Cependant, déclare-t-il, « nous, Alsaciens-Lorrains, otages directement intéressés et premiers affectés, nous n’hésitons pas, — le cas contraire advenant, — à accepter la guerre avec toutes ses conséquences. »

L’auteur fustige d’une ironie amère la jactance prussienne et le mépris qu’après 1870 les Allemands affectaient pour la France, vouée à une fin prochaine :

« Pauvres prophètes de malheur qui prédisiez la fin de la Gaule, cette pourriture des siècles, plaie suppurante si fatalement collée au flanc de la vertueuse Allemagne ! Pauvres rapsodes qui entonniez ces orgueilleux chants de triomphe prédestinés à venger l’humanité des iniquités de l’infâme Babylone… Où en êtes-vous, avec votre germanisation de l’Alsace-Lorraine, ces provinces malheureuses, si miraculeusement délivrées du joug de ce maudit « Welche ? » Où en est la conquête de ces cœurs qui devaient bondir d’aise à la seule pensée d’être de nouveau réunis à la grande patrie allemande ? »

La forteresse de Sarrelouis fut démantelée en 1889 ; l’œuvre de Vauban avait vécu : elle était sans doute devenue inutile. Mais, en la démolissant, les Prussiens n’étaient point fâchés de faire disparaître des souvenirs français ; et dans ce dessein ils poussèrent l’impudeur jusqu’à détruire les archives de la ville, qui remontaient à la période française. Georges Balcer le raconte et s’en indigne : « Tout récemment, dit-il, le fisc militaire vient de vendre près de 1 000 kilos de vieux papiers : registres, recueils de comptes, correspondances, etc., couvrant la période de la création première de la ville, passant par l’époque de la construction, embrassant les événemens politiques et militaires de la monarchie des trois Louis, de la République et de l’Empire. Et des parchemins portant signatures de rois ; des notes de la main de Vauban ; des rapports de Choisy ; toute la

  1. Allusion à l’affaire Schnœbelé qui faillit, effectivement, déchaîner la guerre.