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l’image d’une patrie nouvelle, sortie non seulement plus grande et plus forte, mais surtout meilleure et plus pure, de ses épreuves et de ses victoires. Avant même le début des hostilités, l’un des plus jeunes appelait de tous ses vœux cette « guerre libératrice et régénératrice[1] » dont il devait être l’une des premières victimes. Un autre répondait par cette prophétie à ceux de ses camarades qui se plaignaient de vivre dans une époque vide d’événemens et d’émotions : « Eh bien ! je vous dis que vous vous trompez, parce que l’heure actuelle est plus grande, bien plus grande que celle du Risorgimento : c’était alors une aube dont vous allez voir le midi. C’est maintenant que toutes les questions nationales ajournées depuis un demi-siècle vont recevoir leur solution. Celui qui sait pénétrer le silence de la paix consécutive à cette conflagration, peut y discerner déjà la marche d’une révolution sociale ou d’une immense rénovation de justice. S’abstenir de participer à cette œuvre, c’est se rayer irrévocablement du livre de la vie[2]. » C’est encore la même idée que résume un autre volontaire quand il définit la guerre non seulement « comme une nécessité matérielle à surmonter, mais encore et surtout comme une libération spirituelle et un problème moral à résoudre[3]. »

Les premiers spectacles de la vie militaire et l’impression de force qui s’en dégage viennent fortifier dans les âmes ces espérances conçues en une heure d’enthousiasme. « L’armée, écrit un soldat à son entrée au régiment, est aujourd’hui l’unique organisme solide de la nation, et c’est pour moi un honneur inappréciable que d’y entrer[4]. » En revenant d’assister à la prestation du serment de sa brigade, Carpazio exprime ainsi la signification profonde de cette cérémonie : « Cette marée montante de volontés tendues vers un but commun, ce spectacle d’hommes de vingt à trente-cinq ans oubliant en présence du drapeau tricolore leurs familles et leurs affaires, me semblent le symbole le plus élevé de l’Italie régénérée… C’est l’empreinte d’une nouvelle ère de gloire. » La même pensée poursuit sur les champs de bataille l’auteur de ces lignes ardentes, et l’aspect des hécatombes du Carso lui inspire cette réflexion : « C’est

  1. Valentini, p. IV.
  2. Lettre de E. Vaina publiée dans Liberi, p. 234.
  3. Pascazio, pp. 21 et 24.
  4. Azione du 21 novembre 1915.