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les abandonner et consentir à ce que la faculté de théologie de Bonn relevât du siège de Cologne.

L’affaire capitale, celle qui fait le mieux éclater l’esprit de prosélytisme de la monarchie prussienne, et qui mit le plus violemment aux prises les Rhénans et leurs nouveaux maîtres, est celle des mariages mixtes. Pour conquérir moralement le pays, l’Etat avait encouragé les alliances matrimoniales entre les immigrés et les jeunes filles indigènes ; protestans d’une part, catholiques de l’autre, quel devait être le statut religieux d’unions ainsi formées ? Dans l’esprit du roi et de ses ministres, la confession luthérienne devait profiter de ces fusions des deux peuples, et c’était là le gage d’un loyalisme futur. Une décision du 21 novembre 1803 avait prescrit que, dans les mariages mixtes, tous les enfans fussent baptisés selon la foi du père. Pendant les premières années de la domination prussienne, cette disposition resta lettre morte dans la province rhénane, soit que le gouvernement ne sentit pas son pouvoir suffisamment affermi ou qu’il s’en remit au temps qui devait servir sa politique. Mais l’aversion était grande contre les conquérans, et le clergé menait la résistance. Le roi Frédéric-Guillaume III, par un Ordre de Cabinet du 6 avril 1819, signifia qu’il briserait les obstacles. Il se plaignait et menaçait. Les prêtres faisaient des difficultés pour bénir les mariages mixtes, et, lorsqu’ils étaient accomplis, troublaient la conscience des conjoints appartenant à la religion catholique : conduite inexcusable et que le roi ne pouvait tolérer. Au besoin, il romprait les négociations en cours avec Rome, — c’était avant l’accord de 1821, — et il cesserait de s’intéresser à l’amélioration de la situation matérielle des ecclésiastiques. Il invitait à dénoncer immédiatement ceux qui persévéreraient dans leur altitude, et il se réservait de les relever de leurs emplois ; il était même disposé à agir avec la dernière rigueur contre les évêques qui toléreraient de tels abus.

Ces remontrances n’eurent aucun succès. Le souverain revint à la charge ; il confirma la décision de 1803 par un rescrit du 7 décembre 1822, puis par un Ordre de Cabinet du 17 août 1825, qui étendait à tous les territoires de l’Ouest les dispositions précitées. La lutte aussitôt devint très âpre. Les immigrés, fidèles à la volonté royale, essayèrent d’imposer leur religion. Les prêtres, sauf dans l’Est de la monarchie où ils se