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Kessler, empêché, exprima en nobles termes le désir d’une pénétration plus profonde des deux pays. Le sénateur van Kol, socialiste, dans une improvisation enflammée, prononça contre le militarisme allemand le réquisitoire le plus véhément que nos oreilles aient jamais entendu ; et tour à tour Johan de Meester, le professeur Niermeyer, M. Synders de Vogel, M. Sunier, un Suisse, et d’autres orateurs, abondèrent en speechs originaux, fervens ou verveux, dont le thème fut l’âme ou l’esprit de la France. Gustave Cohen, le blessé de Vauquois, fut l’objet d’une ovation. Comment répondre dignement à de tels propos ? Mais notre émotion même était une bonne réponse. Nous promîmes en tout cas que celle à laquelle la Hollande reprochait une seule chose, d’être la grande absente, serait à l’avenir moins absente, et nous serrâmes toutes les mains qu’on nous tendait. Soirée a jamais ineffaçable de notre souvenir, où nous avons senti si profondément que l’amour de la France était vraiment une religion de l’humanité, et que, selon la parole fameuse reproduite, en tête de notre menu : « Tout homme a deux pays, le sien, et puis la France. »


29 mars-4 avril.

Dès le lendemain, nous devions nous tenir à la disposition d’un vaisseau-fantôme. Mais le fantôme ne parut pas. Il fallut l’attendre au port. De là une dernière étape, difficile à oublier, elle aussi : Rotterdam.

L’amitié d’une famille tout acquise à la France et dont les membres rivalisaient d’ingéniosité comme de générosité pour tout ce qui touche à notre pays, me procura cette joie, de parler à cœur ouvert, dans l’intimité d’un cercle choisi, non plus dans une salle, mais dans un salon, d’un poète et d’un patriote que j’ai infiniment aimé, mon ami Jean Lahor. Son Pessimisme héroïque, qui conclut sur le mot du Taciturne, et son admirable Bréviaire d’un panthéiste furent sentis et appréciés à leur prix. Je retrouvai là, dans un cadre d’art, de goût et de beauté comme on en trouve peu, même en Hollande, les amis récens, de Meester, Huib Luns, le pasteur Krop, et des amis nouveaux, dont le distingué consul français de Rotterdam, ainsi que d’autres personnalités, hollandaises ou alliées.

Après la conférence, ce fut la causerie avec les invités, les idées échangées, les contacts affermis, les souhaits réciproques,