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la doctrine et la force intime de la conviction. Mais enfin, Brunetière et M. Dimier sont d’accord. Cependant, M. Dimier traite Brunetière comme l’ennemi de sa pensée. Ce qui le fâche, c’est que Brunetière ait appelé Bossuet « poète lyrique. » Et l’on se souvient, en effet, que l’auteur de l’Évolution des genres croyait apercevoir dans l’éloquence de la chaire les commencemens du lyrisme contemporain. Cette théorie n’est pas indiscutable ; et de même, au surplus, que Darwin présentait l’évolution comme une hypothèse d’histoire, naturelle, Brunetière ne donnait-il pas son évolution des genres pour une hypothèse d’histoire littéraire, hypothèse qui l’a tenté d’abord et à laquelle il semble avoir été près de renoncer plus tard ? En tout cas, « poète lyrique » n’est pas le seul nom qu’il donne à Bossuet ; et l’on fausse incroyablement sa thèse en prétendant qu’il nous offre un Bossuet joueur de flûte. M. Dimier tolère mal qu’il ait reproché à Bossuet, qui se querelle avec les protestans, quelque « impatience, » et de l’ « irritation, » de la « passion, » trop de sensibilité à la critique : « nous aimerions mieux, dit Brunetière, que Bossuet n’eût pas senti la piqûre. » Vous aimez mieux qu’il l’ait sentie ? Ou bien vous estimez qu’il ne l’a point sentie ? Eh ! dites-le ! Mais, si Brunetière n’épargne pas à Bossuet toute objection, c’est précisément qu’il ne l’a point enseveli dans le passé, qu’il le considère comme vivant, comme le maître des idées que nous avons à débattre et comme le garant de nos disciplines. S’il n’avait vu en lui qu’une attrayante figure d’autrefois, il eût noté tout simplement les traits de la physionomie ; et il n’eût pas regretté comme un défaut l’impatience de Bossuet, ni d’autre part son extrême douceur qui l’empêche d’égaler saint Augustin : plutôt, il se fût réjoui de découvrir, en ce docteur, ces marques pittoresques d’une âme très vite alarmée. Mais il ne s’agit pas de ces petites et jolies choses. Les controverses de Bossuet sont importantes : car nous y sommes engagés, nous et les principes de nos croyances, nous et les principes de notre activité. La controverse de Bossuet, relative au quiétisme, par exemple, cette querelle qu’il eut avec Fénelon, « porte plus loin qu’un spectacle, elle a pour nous des conséquences pratiques : dans les péripéties qui la signalent, ce sont des raisons qui opèrent, ce sont des doctrines qui sont en jeu, et ces doctrines sont de celles qui dictent des actes. » Qui dit cela ? M. Dimier. et Brunetière, contre « Voltaire et sa séquelle » fort amusés de voir les deux prélats en bisbille touchant le silence intérieur, le pur amour et l’acte continu : « Mais quoi ! si, par hasard, l’acte continu mettait en question la liberté de faire ou de ne pas faire ?