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l’arrière. Malgré les protestations du Soviet de Pétrograd, qui, lui, réclamait par des votes réitérés l’abolition définitive de cette peine, Kerensky annonçait publiquement que le décret serait rendu et exécuté. Mais les « maximalistes » ne se décourageaient pas, et même c’était l’instant que des hommes relativement modérés choisissaient pour émettre l’avis « qu’il faut laisser la liberté de discussion aux amis de Lénine, » et qu’ainsi l’on pourra, par raison raisonnante, les faire convenir de leur erreur. Un déluge de bavardages ; délicieuses après-midi du Palais de Tauride et du Palais d’Hiver ; noble occupation pour les oisifs dont le club est le seul travail, pour cette bande qui se proclame « le peuple, » et qui ne fait rien. Tous les Soviets de Russie font chorus à celui de la capitale ; plus de peine de mort au front, encore moins à l’arrière : l’armée et la nation s’en tireront comme elles pourront. Dans cet instant si grave, « le gouvernement provisoire, remarque le Times, perd son temps en de futiles querelles. » L’armée n’est plus ravitaillée. Il faut bien que Korniloff s’en tire comme il peut, et ce que le gouvernement ne fait pas, qu’il le fasse lui-même.

Animé par les Soviets, et peu à peu envahi par la même hantise, le gouvernement frappe à coups redoublés sur le fantôme de la contre-révolution; il proclame la République ; il fait arrêter deux grands-ducs et une grande-duchesse, l’héritier désigné in extremis par le Tsar déposé, le grand-duc Michel tout le premier; il les enferme à Gatchina, d’où il les ramènera, pour plus de sûreté, à Pétrograd. Les extrémistes saisissent le bout du filet retirent et l’allongent : ce Korniloff, qui prétend que l’armée se batte, et qui veut la remettre, à tout prix, en état de se battre, n’est-il pas l’agent, l’instrument de la réaction ? Étaler, au jour les méfaits, dévoiler les tares de l’ancien régime, semble être ce qu’il y a de plus urgent. On livre à la publicité la correspondance secrète de l’Empereur allemand et du Tsar, peu honorable pour l’un et pour l’autre, mais où l’un se révèle comme un corrupteur sans foi ni loi, et l’autre seulement comme un « faible ; » les télégrammes, — de la part de l’un impudens; imprudens de la part de l’autre, — de « Willy » et de « Nicky. » Aux élections municipales de Pétrograd, les «maximalistes » gagnent trente sièges. Sur ces entrefaites, la prise de Riga a pourtant remué les plus insensibles. Il n’est pas jusqu’aux Izvestia, organe du Soviet, qui ne s’écrient : « Assez de discours. Agissons! » Le « Comité central de la flotte de la Baltique » lui rappelle, par un manifeste, qu’il se pourrait qu’elle eût des devoirs à remplir. Kerensky lance un ordre du jour et forme,