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qu’en Russie, on a reproché à la presse française de s’être déclarée pour Korniloff contre Kerensky. Elle n’avait et elle n’a à se déclarer ni pour l’un ni pour l’autre. Nous sommes tout simplement pour la restauration de la discipline dans l’armée, de l’ordre dans le pays, pour la reconstitution de la puissance russe. Nous n’avons pas eu de paroles d’amertume ou de colère, parce que nous connaissons l’âme de ce peuple, et que Tolstoï nous a enseigné qu’il ressuscite de son péché. Mais, si les affaires russes ne regardent que la Russie, les affaires de l’Entente regardent les Alliés. On se plaît à constater que la diplomatie s’en préoccupe, et qu’elle en a donné un signe, au plus fort de la crise, en proposant ses bons offices.

Elle peut le faire en conscience, sans indiscrétion, puisqu’elle s’adresse à une alliée, c’est-à-dire à une partie de nous-mêmes. La diplomatie allemande n’est pas si scrupuleuse ; elle mêle cyniquement les neutres à ses machinations, au risque de brouiller l’univers entier. Elle y a du reste à peu près complètement réussi, mais contre l’Allemagne. Il n’y a pas un mois que la Chancellerie impériale accordait à la République Argentine une indemnité pour le torpillage du Toro, et, sous de certaines conditions, des sauf-conduits pour ses navires. Or, dans la huitaine suivante, le secrétaire d’État de la Confédération américaine, M. Lansing, publiait trois dépêches interceptées du ministre allemand à Buenos-Aires, le comte de Luxburg, qui se résument dans cet avis : « A l’avenir, ne coulez plus de bateaux argentins, ou coulez-les sans laisser de traces. » Une telle exhortation aurait été directement « câblée » de subordonné à supérieur, que c’eût été déjà charmant, mais il y a mieux ou pis, car M. de Luxburg l’a fait parvenir à Berlin sous l’innocent couvert de la légation suédoise. Voilà pourquoi la République Argentine a remis ses passeports à l’envoyé de l’Empereur et se disposait à rompre avec l’Empire. Même histoire au Mexique, histoires semblables dans l’Uruguay et à Costa-Rica.

La Suède, au cours de ces trois années, ne s’est pas fait faute de marquer à l’Allemagne une neutralité parfois très bienveillante. On a pu dire que, par son zèle ou sa docilité, elle s’était mise dans une situation qui n’est pas sans analogie avec celle de la Grèce ; et sa reine même, si elle n’est pas la sœur du roi de Prusse, en est la cousine. L’ancien président du Conseil, M. Hammarskjöld, l’ancien ministre des Affaires étrangères, M. Wallenberg, le ministre en fonctions, l’amiral Lindman, et, derrière eux, tout le parti conservateur suédois, et, autour d’eux, la Cour, et la Couronne au-dessus