Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 41.djvu/768

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

populaire. Le maréchal Kellermann écrira : « C’est à l’armée de ligne qu’est due la Révolution. » Il entendra par-là que l’armée, qui seule pouvait étouffer la Révolution, ne le voulut pas. Dans maintes circonstances, au contraire, elle y poussa. La révolte des gardes françaises, le 24 juin 1789, précéda la prise de la Bastille et enhardit ceux qui l’assaillirent : ce furent deux sous-officiers de ces gardes, Elie et Hutin (futur général, chef fort rude, gouverneur de Paris sous Napoléon), qui prirent même la tête des assaillans. Et lorsque la Cour ayant appelé en septembre, à Versailles, des régimens qu’elle tenait pour « fidèles, » ces régimens, après quelques manifestations royalistes, se trouvant soudain, le 5 octobre, devant l’émeute parisienne qui déferlait sur Versailles, montraient aux émeutiers, en mettant la baguette dans le fusil, qu’ils avaient refusé de charger leurs armes.

Bientôt l’attitude des troupes se généralisa et s’accusa. Malheureusement, elle tourna promptement au désordre. Le R²yal Champagne, sur l’instigation du lieutenant Nicolas Davoust, se révoltait, le 10 mai 1790, contre son colonel, le sommait de lui « rendre des comptes, » refusait de quitter la garnison, malgré l’ordre du ministre de la guerre, et faisait céder le pouvoir. Ce ne fut pas le fait le plus éclatant et surtout ce ne fut pas le seul. On peut, — de janvier à juillet 1790, — suivre à travers toute la France un mouvement qui révèle une dissolution complète de la discipline, des dragons de Lorraine pillant à Tarascon la caisse du régiment et déposant leurs officiers, du régiment d’Auvergne, — le régiment du chevalier d’Assas ! — se mutinant au Quesnoy, du régiment de Penthièvre s’insurgeant à Rennes, du régiment de Guyenne se mutinant à Nîmes, du régiment du Vivarais se soulevant entre Béthune et Verdun pour regagner la garnison dont on a voulu l’éloigner, à vingt autres corps maltraitant leurs officiers, jusqu’à ce régiment de Touraine qui, à Perpignan, assiège la demeure du vicomte de Mirabeau, son colonel, le contraignant, pour se frayer un passage, de mettre la main à l’épée. La plus grave révolte sera cependant celle des régimens de Nancy du mois d’août 1790 que les troupes de Metz devront étouffer dans le sang.


Si, en 1789, 1790, 1791, l’ennemi nous eût menacés, à plus forte raison s’il eût franchi nos frontières, point de doute que