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L’Angleterre avait besoin de remanier tous ses rapports politiques et commerciaux avec ses Dominions et principales colonies : elle s’y occupe assidûment. La France devait commencer par mettre un peu d’ordre dans la dispersion de son industrie et de son négoce, fort mal adaptés aux troubles profonds et durables que la généralisation et la prolongation des hostilités ont apportés dans la production, la consommation et la circulation des richesses : elle s’y emploie en ce temps même, avec la lenteur qu’elle met toujours en ces sortes d’affaires, mais elle le fait pourtant. Enfin, et surtout, l’attitude des États-Unis n’était pas fixée : ils étaient encore neutres, et l’on redoutait de les molester par des arrangemens auxquels ils eussent été étrangers.

Ces obstacles ont disparu ou sont en passe de disparaître. La voie est ouverte : il faut s’y engager avec résolution, en triomphant des multiples difficultés qu’on y rencontrera encore du fait des préjugés, des routines et des intérêts particuliers. L’union des Latins, des Slaves et des Anglo-Saxons ne peut manquer d’être féconde : il existe entre eux, quoique à des degrés divers, plus d’affinités intellectuelles et morales qu’entre aucun d’eux et les hordes militarisées par les chevaliers de l’Ordre teutonique ; combinés ensemble, l’esprit déductif et imaginatif des uns, le mysticisme rêveur des autres, le réalisme opiniâtre et la conscience des troisièmes, les constitueront bien vite facteur, non pas dominateur, mais dominant de la future Société des Nations.

Cette Société, on en peut déjà discerner les traits principaux et les organes essentiels. Elle aura des tribunaux d’arbitrage pour empêcher que les conflits entre nations dégénèrent en luttes armées. Comme tous les tribunaux, ceux-là devront disposer d’une force publique en vue de procurer l’exécution de leurs décisions. Or, l’expérience prouve que, lorsque le gendarme est loin, on ne peut empêcher les assassinats, les incendies et les vols, tout au plus réussit-on parfois à les réprimer après qu’ils ont été accomplis. Il faudra donc tout d’abord multiplier les postes de police, et l’on trouvera à cet égard dans l’histoire des places de « barrière » et de « sûreté » de précieux orécédens.

Cela ne sera pas suffisant, puisque la même et combien cruelle expérience a démontré que la neutralité belge, — place