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telles que celles-ci : « Nous n’attaquons plus ; après mille précautions, nous contre-attaquons, et cela fait de l’offensive défensive, ou, si vous le voulez, de la défensive agressive, et l’une vaut l’autre pour être vaincu. — La seule sûreté possible dans l’offensive repose sur la paralysie de l’ennemi par l’attaque. — En réalité, la sûreté d’une troupe dans l’attaque est basée sur ce fait : un homme qu’on tient à la gorge, et qui est occupé à parer les coups, ne peut pas vous attaquer de flanc ou par derrière. La valeur de la méthode dépend de la rapidité avec laquelle vous lui sautez à la gorge et de la solidité de votre étreinte. — Nous ne reculerons donc même pas devant le principe, dont la forme seule est paradoxale : dans l’offensive, l’imprudence est la meilleure des sûretés, et cette sûreté-là, nous l’avons connue, au temps où nous gagnions des batailles.

— Le célèbre aphorisme : frapper fort, frapper tous ensemble, est toujours vrai. — Nous avons donné droit de cité dans nos études à ce mot : le risque ; nous admettons le risque… Mais le risque n’est pas la chance. Ce trou que nous admettons dans la chaîne de nos prévisions est, dans la réalité, comblé par ce qu’on pourrait appeler les calculs moraux du chef, ces calculs où entrent des facteurs que la raison ne connaît pas. — Il faut toujours arriver, dans le combat, à faire quelque chose qui serait impossible entre gens de sang-froid, et ces choses ne deviennent possibles qu’à des gens surexcités en face de gens déprimés. — Allons jusqu’à l’excès, et ce ne sera peut-être pas assez ! »

On pourrait croire, après cet hymne à l’« excès, » à un esprit fanatique et tout d’une pièce. On se tromperait, et rien, au contraire, n’était plus froidement, plus posément, plus mathématiquement résumé, que cette doctrine de la furie. Toutes les réserves nécessaires pour la maintenir dans le bon sens, y avaient leur place, et là encore, comme dans la théorie de la colonisation civilisatrice, on retrouvait, dans l’appréciation des cas, une mesure et une observation infinies.

Mais le temps des conférences devait passer, l’heure de l’action sonnait, et le colonel, alors à Toul, et déjà l’idole de ses hommes, allait leur laisser, à la guerre, des souvenirs ineffaçables. Un de ses officiers, à la nouvelle de sa mort, écrivait qu’il était toujours resté comme légendairement « leur colonel, » même en ne l’étant plus. Les anciens et les survivans