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plein d’une belle sève. Et la décision des regards, la netteté des idées et des volontés, l’indépendance crâne de toutes les allures offre un contraste marqué avec la race moins caractérisée, plus complexe et plus fuyante que nous venons de quitter.

Dans cette fin de mai, d’une beauté de nature presque ensorcelante, tout chôme, et les parleurs perdent d’ordinaire leurs paroles. La saison des conférences est passée. Et néanmoins, le public qui nous avait priés de revenir nous attendait de pied ferme, peut-être plus dense à cette seconde visite qu’à la première, comme si dans l’intervalle on avait senti un peu plus, un peu mieux, le besoin d’un rapprochement intellectuel avec la France. Cette fois, c’était le recteur de l’Université de Christiania, le savant M. Morgenstierne, qui nous ouvrait sa petite salle des Fêtes, et tantôt nous introduisait lui-même, tantôt nous faisait introduire par le professeur Collin, un ami si déclaré de la France que ses articles publiés sur nous depuis la guerre forment un volume. Trois jours consécutifs, les 23, 24 et 25 mai, trois conférences furent données devant une salle pleine. Quelques jours après, le veille même de notre définitif départ, nous étions reçus en audience par le Roi, avec une affabilité dont nous gardons un souvenir pénétré.

De toute la Scandinavie, c’est la Norvège qui, à l’heure actuelle, offre à l’action de la France le champ le plus sûr, le plus fécond. Rien ne troublerait cette action, et tout la favoriserait, si elle s’exerçait sans trop attendre. Les intellectuels la souhaitent, le commerce y aspire, la librairie la demande, l’art y fait appel, l’enseignement à tous les degrés en sent la nécessité. Preuve en soit un article paru dans le Tidens Tegn, du 25 mai, sous ce titre significatif : A l’école des Français. L’auteur, en louant ce qu’il avait trouvé de vivant dans la manière des conférenciers français, s’adressait aux professeurs de son pays : « J’ai plusieurs fois parlé du danger que présente l’enseignement de l’histoire dans nos grandes écoles, tel qu’il est fait maintenant, c’est-à-dire d’une façon sèche et doctrinaire. Il faut apporter un changement, radical à cet enseignement, et il n’y a aucun doute que c’est chez les Français que nous avons beaucoup à apprendre. Voilà pourquoi je donne le conseil suivant aux professeurs actuels et futurs : Apprenez un peu « chez les Français ! » Faites-vous expliquer par les savans français qu’il est possible d’intéresser et de charmer, sans pour cela abandonner la dignité