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ou copies, qui représentent la production dramatique de Scribe. C’est une œuvre assez banale, dont l’action se passe dans les Flandres en 1573, sous la domination espagnole, et que ne recommande aucune nouveauté d’imagination. Le seul fait qui nous frappe maintenant, — et Scribe ne pouvait le prévoir, — c’est que les Flandres gémissaient alors comme aujourd’hui sous le despotisme d’un oppresseur sans pitié. Le duc d’Albe y semait la terreur par des moyens moins barbares et moins raffinés que le vainqueur actuel.

Le Duc d’Albe n’avait été pour Scribe qu’un prétexte d’opéra, un motif d’airs de bravoure, et la musique lui faisant défaut, on pouvait croire qu’il n’en serait jamais plus question. On en reparla pourtant, car la musique y prit goût de nouveau. Entendons-nous : ce ne fut plus le Duc d’Albe, et ce fut toujours lui ; si ce ne fut plus Donizetti qui prétendit l’animer, ce fut encore un Italien, et non des moindres, qui se chargea de ressusciter l’œuvre abandonnée. C’est par Scribe que nous savons comment les choses se passèrent. Il avait eu un collaborateur pour le Duc d’Albe, et le contraire serait plus surprenant. Il fallut le mettre au courant des destinées nouvelles qui se présentaient pour cette pièce vieille de plus de dix ans. Scribe n’y manqua pas. Quand l’heure en fut venue, il avisa le second père dramatique du Duc d’Albe. C’était Charles Duveyrier, frère puîné du fécond vaudevilliste Mélesville. Mais tandis que l’aîné demeurait un auteur dramatique obstiné et fécond, le cadet délaissa les lettres, d’abord pour la philosophie sociale et le saint-simonisme, — c’est lui qui conçut et qui devait diriger l’Encyclopédie Pereire, à laquelle s’intéressait Sainte-Beuve, — puis pour le mouvement industriel et commercial : il créa la Société générale des annonces, qui centralisait la publicité des journaux. Charles Duveyrier en était là, quand un appel de Scribe vint le ramener au théâtre, on va voir comment.


A Charles Duveyrier.

Le 3 décembre 1853.

Mon allié et toujours ami, je n’ai point oublié notre vieil enfant qui dort depuis longtemps dans la poussière des cartons ; mais je crois qu’il n’aura point perdu pour attendre, et je viens de lui trouver un établissement digne de son âge et de son mérite.

Verdi est à Paris ; on m’a demandé un opéra pour lui. Il a un traité avec la direction, traité par lequel. le directeur s’engage à jouer cet opéra l’année prochaine, en 1854, et à lui