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Verdi voulait la scène à Naples. Nous avions la Muette de Portici, que cela eût rappelé ; j’ai proposé la Sicile, qu’il a acceptée.

Le duc d’Albe devient Charles de Montfort, gouverneur abhorré de la Sicile sous le règne de Charles d’Anjou, frère de saint Louis, qui vient de conquérir le royaume de Naples.

Charles de Montfort et les Français ne se font pas faute de faire la cour aux jolies filles, de les enlever même au besoin. Charles de Montfort en a enlevé ou violé une dont il a eu un fils ; ce fils, Luigi de Torella, remplacera Henri de Bruges.

Daniel, le maître brasseur, rôle assez insignifiant, sera remplacé par Jean de Procida, âme de la conspiration, et vous voyez que nous arrivons tout droit aux Vêpres siciliennes pour dénouement.

Ce titre de la tragédie de Delavigne ne m’effraie nullement à l’Opéra. Le litre est beau et un sujet connu est toujours, à l’Opéra, une chance de succès.

Au lieu des Flamands qui veulent et ne peuvent massacrer les Espagnols, ce seront les Siciliens, furieux, outragés et vindicatifs, qui massacreront les Français, lesquels nous tâcherons de rendre intéressans.

Le titre et le dénouement seront les mêmes que dans Casimir Delavigne ; mais l’intrigue en sera différente et bien plus originale.

Comme père, le duc d’Albe était intéressant ; Charles de Montfort le sera bien plus : il adore ce fils, qui le renie, qui le repousse d’abord et qui finira par mourir avec lui.

Au cinquième acte, le massacre des Français, sur un théâtre tel que l’Opéra, au milieu des fêtes d’un mariage, sera bien plus dramatique et plus à effet que rembarquement du duc d’Albe, gâté toujours par l’invraisemblance de cet homme qui laisse sur la terre étrangère, et au milieu de ses ennemis, le corps de ce fils adoré. Je vous dis tout cela pour que, d’ici à votre première visite, vous rêviez au sujet et aux chances qu’il présente.

J’ai lu tous les auteurs (et il n’y a que des auteurs italiens) qui parlent du massacre de Sicile ; aucun n’en parle comme d’une conspiration organisée… Le hasard… et un événement assez dramatique a amené à Palerme, à l’heure des vêpres, un événement, une émeute, qui plus tard a gagné toute la Sicile ; mais cette révolution s’est faite en un mois, et en l’absence de