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universel applaudit à l’humiliation qui lui est infligée pendant les troubles de Berlin. A Bonn, où Kinkel le 18 mars tient un grand discours sur les marches de l’hôtel de ville, à Crefeld, à Clève, à Coblence, ailleurs encore, seule la crainte d’une fusillade fait reculer les manifestans. Aussi la haine qu’inspirent les soldats de Frédéric-Guillaume IV en est-elle accrue. Elle rejaillit sur la maison royale : Pierre Reichensperger raconte qu’il a assisté à Coblence, sur le Florinsmarkt, à une réunion populaire où le « prince Mitraille, » violemment pris à partie comme chef de la camarilla antidémocratique, a été déclaré déchu du trône. L’agitation, dans la ville de Cologne, revêt le même caractère : au début de mars, Raveaux provoque une pétition demandant l’abolition des armées et l’armement du peuple ; des manifestations ont lieu ; elles sont dispersées par les troupes prussiennes qui arrêtent les orateurs ; l’opinion exaspérée ne voit plus de recours qu’en la république. Aussi la joie est-elle immense lorsque l’on apprend la défaite de la monarchie ; dans les cafés, dit Brüggemann, ce ne fut qu’un cri : « La Prusse est brisée, et la royauté de Berlin est morte. »

A Trêves, dès que le mouvement se dessine, le gouvernement s’empresse de faire partir le 30e régiment d’infanterie, recruté dans le pays, et de le remplacer par le 26e dont les hommes sont originaires de l’Est. Pour leur défendre le passage, la foule ferme les portes ; mais les troupes les enfoncent, font quelques décharges et passent. Alors l’indignation est à son comble ; on parle de chasser les soldats « étrangers ; » on forme une garde civique pour les mettre en échec, et on donne l’assaut à la maison d’arrêt où l’on délivre quelques pauvres diables emprisonnés par l’administration pour vol de bois. Dans une grande réunion tenue le 26 mars, un républicain nommé Grün fait en termes impétueux le procès de la monarchie prussienne. Le 2 mai, après les élections, un nouvel accès de fureur soulève le peuple contre le 26e régiment ; des barricades surgissent, des coups de feu sont échangés, il y a deux morts parmi les habitans.

Düsseldorf connaît des journées pareilles. Le début de mars se passe dans un malaise général et l’on sent gronder la révolte. Elle éclate lorsque les nouvelles de Berlin arrivent. Aussitôt les auberges s’emplissent d’une foule en fête qui acclame la déroute royale et chante des chansons séditieuses ; on promène