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encore deux de ses doigts, mais ne vole qu’avec plus d’entrain, avec ses bras brisés, sa jambe coupée et sa main mutilée, aux Drachens et aux Fokkers. Une nouvelle citation à l’ordre de l’armée témoigne alors, une fois de plus, de l’admiration qu’il excite, et de la main, ou de la demi-main qui lui reste, il écrit à sa mère, entre ses envolées, des lettres pleines de foi religieuse et de gaîté. Xavier est le quatrième. Médaillé militaire, blessé, deux fois cité pour ses coups de main, il a vingt ans, et le cinquième, Bernard, qui en a dix-sept, veut s’engager dans les hussards, mais est réformé au corps, parvient à passer dans l’artillerie, doit aussi la quitter à la suite de ses blessures, se réfugie alors comme ses trois frères encore vivans dans la guerre aérienne, et sera mitrailleur là-haut. Ne pouvant plus, ni les uns, ni les autres, servir et se battre sur terre, ils s’en vont se battre et servir dans l’espace. Des ailes, des ailes, des ailes ! est comme le cri de la famille, et l’héroïque défilé n’est pas encore clos ! Arrière-petits-fils de Marie, d’Anne et de Jeanne de Maistre, les de Toytot, les de Buttet, les de Surigny, les de Foras, se trouvent aussi au rendez-vous du devoir et de l’immolation. Le capitaine Pierre de Toytot : mort au champ d’honneur ! Le capitaine Xavier de Buttet : blessé et prisonnier de guerre ! Le lieutenant Humbert de Buttet : blessé et prisonnier de guerre ! Le capitaine Louis de Buttet : mort au champ d’honneur ! Le capitaine Pierre de Surigny : mort au champ d’honneur ! Le capitaine Rodolphe de Foras : mort au champ d’honneur !

Si remplie de ces glorieux exemples que soit déjà ainsi, dans ces années de cataclysme, l’histoire d’une famille illustre, il en est cependant encore un sans l’évocation duquel elle resterait incomplète.

Vers 1904 ou 1905, le comte Barle de Foras émigrait de Savoie avec ses enfans pour le Canada. Quelques années auparavant, son père, le comte Amédée, avait occupé la charge de grand maréchal à la Cour de Bulgarie, et sa petite fille, la petite Ferdinande, la première née du comte Barle, avait eu le roi pour parrain. Le prince, malheureusement, faisait ensuite abjurer le Catholicisme à son fils Boris pour le culte schismatique, et le vieux comte Amédée ne se regardait plus comme autorisé par l’honneur à rester à son service. Sans vouloir même s’arrêter à ce qu’une rupture avec son souverain allait