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EN ROUTE POUR L’EGYPTE

La Nouvelle-Zélande commença par se débarrasser de son plus proche adversaire en conquérant les îles Samoa, petite colonie allemande qui, à vrai dire, ne pouvait offrir aucune résistance. Mais la maîtrise du Pacifique appartenait, alors, à l’escadre de l’amiral von Spee que l’on savait dans la région. Or, le convoi qui transportait le corps expéditionnaire néo-zélandais vers l’Egypte devait faire la première partie du voyage sous la seule protection de trois petits croiseurs. Aussi, la traversée jusqu’à la Nouvelle-Calédonie fut-elle périlleuse. A Nouméa, le convoi reçut de toute la colonie française un accueil triomphal, tandis qu’il y rejoignait le croiseur de bataille Australia et le croiseur cuirassé français Montcalm.

Après une escale au Fiji, nos nouveaux alliés s’emparèrent, sans coup férir, du port d’Apia dans l’île Upolu[1], dont la population allemande fut déportée. Le colonel Logan fut nommé gouverneur. Puis il fallut remplacer les autorités germaniques déchues ; c’est ainsi, rapporte le Times, que l’on vit des impies soldats devenir juges de paix ou collecteurs d’impôts : ils devaient, plus tard, abandonner volontairement ces places de tout repos pour rejoindre au combat leurs camarades de Gallipoli.

Embarquer pour l’Europe le corps expéditionnaire néo-zélandais, tandis que les corsaires ennemis tenaient encore le Pacifique, ne fut pas une petite affaire. On dut organiser une garde sérieuse autour des douze vapeurs de commerce affectés au transport des premiers huit mille hommes.

Le départ eut lieu de Wellington, en grand mystère, à la fin du mois d’octobre. C’était dans le silence de la nuit. Seul, le bruit d’une houle légère troublait la paix de ce coin du détroit de Cook. Le long des jetées qui font face à Blenheim, des masses sombres se détachaient. Au large, immobiles mais empanachés d’étincelles, plusieurs croiseurs anglais avec, au milieu d’eux, un colosse d’acier. L’alliance anglo-japonaise commençait à jouer sur ce point extrême du globe. Le grand croiseur de bataille Ibuki, jaugeant 14 600 tonneaux, filant

  1. Là résida longtemps le célèbre romancier Robert-Louis Stevenson, auquel le regretté Teodor de Wyzewa a consacré des pages que n’ont pas oubliées nos lecteurs.