Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 42.djvu/270

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nouvelles où l’horreur de la maternité allait jusqu’au crime. D’après des constatations trop concordantes, le nombre des avortemens égale dans les grandes villes, et parfois dépasse le nombre des naissances, et s’élève en France à 300 000 par an.

Rien ne parvint à troubler l’obstination de notre sécurité. « Oui, disait-on, notre race devient inapte aux œuvres brutales qui se réalisent à coups d’hommes ; elle n’a plus à compter sur les violences heureuses dont fut faite jusqu’ici la gloire des nations. Qu’importe, si l’affaire essentielle du monde est le bonheur des individus ! Si les races prolifiques se contentent d’occuper dans le reste de l’univers la place laissée vide par nous, l’influence et les gains volontairement abandonnés par les Français, cela ne nous prend rien. Si elles nous serrent un peu dans nos colonies trop larges, même réclament une part dans nos empires des moustiques, et restreignent sur les cartes les espaces où s’étend le nom de la France, quel Français sera atteint dans sa vie personnelle ? Si elles viennent, dans notre propre pays, louer la vigueur de leurs corps pour les emplois subalternes que les Français d’aujourd’hui trouvent trop durs ou trop mal payés, elles servent nos propres intérêts. Si ces envahisseurs substituent sur notre propre sol leurs initiatives rivales à la puissance ralentie de notre activité, pour nous commence un dommage, mais ces dépossessions prennent du temps. Le sort de chaque Français, entre le matin et le soir de sa vie, ne lui semblera guère changé, et, dès qu’il n’a pas le souci de cet insensible préjudice, pourquoi s’imposerait-il la fatigue de conserver ce à quoi il ne tient pas, prendrait-il de la peine pour modifier les événemens dont il s’accommode, et s’obstinerait-il à défendre avarement ce qui lui est étranger, quand, pour le défendre, il lui faudra compromettre la seule chose essentielle, le bienfait des habitudes douces et de la vie sans efforts ? Pour cette vie, le danger ne commencerait que le jour où la guerre mettrait le peuple le plus faible à la merci des cupidités insatiables. Mais elle n’est plus à craindre depuis que la grande force d’opinion a passé aux ouvriers. Leur socialisme abolit les divisions nationales dans l’unité fraternelle du genre humain. La grève générale a désormais raison de la guerre. Nous sommes donc certains de conserver dans notre patrie d’aujourd’hui les biens, les avantages, les joies auxquels tient chacun de nous. Et nous les