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actuellement privée des moyens de travailler et, partant, de gagner sa vie. Le total des personnes secourues, sous une forme ou sous une autre, est de 3 à 4 millions. Leur nourriture se compose essentiellement de pain, de légumes et de graisse. Le Belge, en temps normal, consomme près de trois fois, le Français près de deux fois et demie autant de pain que l’Allemand, 670 et 590 grammes par jour contre 240. La production de légumes avant la guerre atteignait 2 kilogrammes par tête et par jour. Il fallait combiner les importations, de façon à procurer aux habitans les albuminoïdes, les graisses et les hydrates de carbone indispensables à leur nutrition. La Commission n’ayant pu importer de blé, du 31 octobre 1914 au 31 octobre 1915, que jusqu’à concurrence du tiers du chiffre normal, a remplacé par du riz, des pois secs, des haricots, des lentilles, le froment qui manquait. Elle a fixé pour l’hiver 1915-16 un programme d’importations mensuelles comportant 60 000 tonnes de blé, 20 000 tonnes de maïs, 5 000 tonnes de riz, 4 000 tonnes de pois et haricots, 4 800 tonnes de saindoux et de lard, 1 000 tonnes de produits divers tels que café, thé, sel.

La situation en France est encore plus grave. Dès le mois de février 1915, la région occupée était à court de vivres. Par suite de la mobilisation des hommes valides, de la destruction des animaux de trait et du manque d’engrais, la récolte de céréales de 1915 fut peu importante. Il ne fut prélevé sur cette récolte, pour être distribué à la population, que 100 grammes de farine par tête et par jour. Il eût fallu y ajouter au minimum 200 grammes, représentant une importation mensuelle de 46000 tonnes de blé : il a été loin d’être atteint. D’autre part, le bétail a presque entièrement disparu et les habitans des villes sont pour ainsi dire privés de viande, de beurre et d’autres matières grasses alimentaires. La récolte de pommes de terre a été très faible : elle n’a pu fournir que 200 grammes, par tête et par jour. Les stocks de sel, de sucre, de café, de savon, ont été épuisés. Dans l’ensemble, la Commission n’a pu importer que 450 grammes par tête et par jour : joints aux 500 grammes indiqués ci-dessus, ils n’ont fourni que 950 grammes, alors que la consommation normale est de plus du double, à savoir 2 kilogrammes. La population souffre donc cruellement. Dans le Nord de la France, elle s’alimente presque exclusivement par les importations de la Commission : celle-ci croyait qu’elle