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Dans la faible étendue d’un département, d’un arrondissement, la natalité varie du simple au double. Enfin l’instinct naturel de la paternité ne suffit pas à expliquer la multiplication des enfans où ils abondent : car à satisfaire cet instinct un ou deux enfans suffisent, cinq ou vingt sont superflus.

Les départemens où la population décroît le plus vite et le plus constamment sont l’Isère, la Drôme, le Rhône, le Puy-de-Dôme, la Nièvre, la Côte-d’Or, l’Yonne, l’Aube, l’Orne, la Gironde, l’Ariège, l’Aude, l’Hérault, la Haute-Garonne, le Tarn-et-Garonne, le Lot-et-Garonne, le Gers. Entre toutes ces régions il y a une seule, mais éclatante ressemblance. Elles sont celles qui témoignent de leur doctrine collective par la persévérance de leurs votes politiques ; celles qui savent gré à leurs élus d’avoir établi dans l’Etat, comme les nouveaux dogmes de la foi nationale, la souveraineté de l’individu et l’oubli de Dieu ; celles où l’abandon général des pratiques religieuses transforme les églises en solitudes. La dépopulation est l’œuvre logique de ceux qui reconnaissent pour maître de l’existence l’intérêt personnel, immédiat, égoïste. Pour qu’ils se bornent au fils unique, il leur suffit que leur commodité soit de ne pas gâter l’héritage en le morcelant, de maintenir intacts leurs aises et leur rang de « pousser le petit, » par un savoir plus complet, à une condition plus haute que la leur et dont ils aient l’honneur. Pour se refuser même cet unique enfant et tenir le foyer soigneusement vide, il suffit que, pauvres, ils ne veuillent pas le devenir davantage, ou que, riches, ils ne veuillent pas le devenir moins, et préfèrent compléter leur demeure, étendre leur domaine, leur train de culture, leur commerce, le manger ou le boire.

Les départemens où ces tentations ne paralysent pas l’instinct paternel, et où la race continue à s’accroitre sont : le Pas-de-Calais, le Finistère, le Morbihan, le Nord, le territoire de Belfort, les Côtes-du-Nord, la Vendée, la Haute-Vienne, la Corse, la Meurthe-et-Moselle, les Vosges, la Lozère, le Doubs, l’Aveyron, les Basses-Pyrénées, les Pyrénées-Orientales, les Hautes-Alpes, la Haute-Savoie, la Corrèze et les Landes. Entre toutes ces régions aussi il y a une ressemblance. Ce sont celles où se sont le moins effacées les croyances chrétiennes. Que le fait plaise ou non, il s’impose à l’examen d’un temps qui se vante de croire seulement aux faits. Or on ne peut nier le fait : les régions sont fécondes en proportion qu’elles sont croyantes. En