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appréciables. Le 3 mars 1871, lors des élections au Reichstag, la ville donna en effet 1 038 voix au candidat libéral Lantz, l’un de ceux qui avaient signé l’adresse à Bismarck, contre 526 au Dr Thanisch, candidat du Centre, mais ce dernier fut élu par une grande majorité grâce à l’appoint des campagnes, toujours rebelles.

A Worms, la commission exécutive du conseil municipal, peut-être composée surtout d’immigrés, envoya au chancelier un titre de bourgeois honoraire. Elle le félicitait d’avoir rempli les vœux que les cœurs allemands formaient pour l’unité et d’avoir rattaché à l’Allemagne des provinces qui en avaient été séparées pendant des siècles. Elle rappelait que Worms avait subi de terribles souffrances du fait de « l’ennemi héréditaire. » Pourtant Bismarck, le 24 décembre 1870, ne remercia que par quelques mots presque ironiques, où il marqua combien une telle amabilité lui semblait nouvelle : « Si la ville, maintenant, en présence de l’essor de la nation allemande, comprend l’importance de cet événement et en témoigne de la joie, on ne peut y voir qu’un signe de l’esprit qui anime le peuple allemand. »

En 1871, de mars à juin, les troupes rentrent dans leurs garnisons rhénanes. Elles y sont reçues selon un cérémonial qui est à peu près le même pour tout l’empire. Des arcs de triomphe sont dressés, des discours saluent les héros vainqueurs, des acclamations retentissent, le conseil municipal est présent, les cloches sonnent, les canons tirent des salves. Que les familles, au moment où leurs fils leur sont rendus, se sentent pleines d’allégresse ; que dans le peuple, par la contagion du bonheur, l’optimisme ce jour-là domine ; que même l’ivresse de la puissance et la fierté de la force allemande exaltent quelques imaginations, cela est plus que probable, cela, peut-on dire, est certain. Mais la griserie passe et la joie est éphémère, car Bismarck réserve aux Rhénans des lendemains douloureux, au cours desquels, par un dernier et éclatant retour, nous allons voir briller encore une fois, vive et fidèle, la flamme des sympathies françaises.


II. — LE KULTURKAMPF

Cette lutte intérieure, dont M. Georges Goyau ici même a fait l’histoire, se présente sous des apparences assez trompeuses.