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figurer dans cette fête, et elle doit jubiler sur ses propres blessures. Sous le prétexte que nous manquons de sentimens patriotiques dont il sait la force, il veut nous contraindre à nous atteler à son char de triomphe. » Le coup droit est porté, et il est terrible, malgré les prudentes affirmations de loyalisme allemand que Ketteler ne néglige pas ; il atteint le gouvernement berlinois, où nul n’ignore que l’évêque de Mayence, en relations avec Dupanloup, a soutenu autrefois la politique française de Datwigk.

Donc Ketteler refuse ses prêtres ; il refuse ses cloches ; il repousse la demande du général commandant la place, qui voudrait disposer des tours de la cathédrale pour y faire jouer un choral par une musique militaire. L’archevêque de Munich, l’évêque de Spire suivent son exemple. Les journaux du Centre font écho : les catholiques ne célébreront pas Sedan, « jour de deuil et non pas jour de joie, » qui a été le signal de la lutte contre la religion romaine. Le ministère de Bismarck pourtant ne recule pas, et il emploie même la contrainte : dans la vallée du Rhin, il change la date des vacances scolaires ; elles commenceront seulement après le 2 septembre, et les élèves, par voie d’autorité, seront ainsi forcés de fêter la victoire prussienne ; ils ne devront pas rester ce jour-là dans leurs classes, leurs maîtres leur feront traverser les villes, les mèneront à la campagne et les feront chanter. La cérémonie officielle a donc lieu, avec revue des troupes, mais l’attitude de la population est la même dans le pays rhénan qu’à Strasbourg et en Alsace. Seuls, les milieux prussiens pavoisent Mayence, les habitans ont arboré à leurs fenêtres leurs feuilles de contributions en protestation contre l’Empire ; dans la vallée de la Moselle, ils ont exposé non pas des drapeaux, mais de vieux balais. L’année suivante, à la même date, les mêmes scènes se reproduisent, avec les mêmes abstentions et les mêmes divisions. Ketteler lui aussi récidive : Sedan, dit-il, est un « jour de deuil et d’humiliation. »

Nous sommes en 1875 ; des prêtres sont arrêtés et jetés dans des cachots : la terreur règne dans le pays rhénan. À Cologne, un beau matin, les trois cent vingt et une rues de la ville sont tapissées de l’affiche suivante : « Les évêques maintenant sont en prison. — On pendra le roi, — on brûlera Bismarck ; — alors, la religion reviendra chez nous. » La police aussitôt