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celui des grosses pièces des vaisseaux, et celles-ci gardent le bénéfice du nombre[1].

Un dernier point : la côte ferme d’Allemagne, — saillans de Greetsiel et de Nordern[2]— est à plus de 25 kilomètres des passes extérieures et de la ligne Borkum-Rottum. L’assaillant n’aura donc pas à craindre l’intervention de bouches à feu placées sur cette côte, pas plus, du reste, que sur l’île de Juist. Cette remarque a son intérêt, non pas seulement pour la conduite de l’opération, mais aussi pour l’utilisation de l’île, quand elle sera tombée aux mains de l’assaillant.

Quelle utilisation ? — Ici il convient encore de garder le silence. Que l’on soit assuré seulement de la haute valeur de l’île de Borkum, à des points de vue militaires très variés.


Franchissons d’un bond les 100 milles marins qui séparent Borkum de Sylt et étudions un moment cette grande île singulièrement découpée, qui semble avoir été disposée exprès par la nature pour défendre la côte ouest du Slesvig des colères violentes de la mer du Nord.

Du nord au sud, en effet, Sylt oppose un long[3]et solide bourrelet de dunes aux entreprises des vagues rageuses qui accourent de la côte d’Angleterre, poussées par le vent d’Ouest. Les volutes de la houle, brisée sur la pente assez roide de cette frange littorale, déferlent alors avec une violence qui interdirait tout accostage. Mais le tableau change quand souffle le vent d’Est et que quelques jours de beau temps ont aplani la houle. Un débarquement en pleine côte pourrait alors être tenté, que favoriserait justement la grande étendue de la plage abordable, où de fausses attaques, des diversions tactiques seraient nettement indiquées. Mais les défenseurs auraient presque partout l’avantage du « couvert » fourni par la dune de bordure. Les feux des vaisseaux bouleverseraient sans doute ce rempart naturel, mais ne le détruiraient pas. Quoi qu’il en soit de ces chances diverses, — il y en a de très bonnes que

  1. Je rappelle que je ne discute pas ici les questions relatives à la lutte entre navires et batteries. Voir l’étude sur « L’attaque des côtes, » déjà citée.
  2. C’est de là que partent les câbles transatlantiques allemands, avec « escale » sur Borkum même.
  3. 35 kilomètres. La largeur maxima de l’île est de 13 kilomètres, mais elle est très découpée, et sa superficie n’excède pas 95 kmq, ce qui, d’ailleurs, lui donne déjà de l’intérêt comme place d’armes.