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aussi, admirablement jeune, remuante, éveillée. Son peintre a su la peindre en jeune, alerte et gaie. Le génie de son peintre, ce fut d’avoir les deux manières, celle de la durée et celle de l’instant, comme elle a aussi la double nature des siècles et de la perpétuelle nouveauté.

Dans le passé de la France, M. Vidal de la Blache remonte loin, très loin, jusqu’à la géologie. « On voit, à Loches, le château des Valois s’élever sur des substructions romaines, lesquelles surmontent la roche de tuffeau percée de grottes, qui ont pu être des habitations humaines… » Et sous la roche de tuffeau ?… Nous évaluons ainsi de telles profondeurs et de tels lointains que la pensée risquerait de s’y égarer, si elle n’avait, jusque dans la préhistoire, des jalons sûrs et des lieux d’étape. Il est vrai qu’il nous faut compter avec des âges pour lesquels notre vocabulaire, de même que notre rêverie, manque d’habitude. Examinant la région des Flandres, M. Vidal de la Blache reconnaît que les caractères géologiques passent de l’Artois au Boulonnais et passent du Boulonnais au Weald britannique. Ils se prolongent au-delà du détroit. Mais comment se prolongent-ils, si le détroit les coupe ? « Le détroit n’existait pas, pendant cette période… » Cette période, c’est l’époque tertiaire en son début : des mouvemens se sont produits, qui ont amené le massif primaire au voisinage de la surface, depuis l’Artois jusqu’au Hampshire. Et, le détroit, « c’est bien postérieurement qu’il s’est ouvert, » la mer ayant rompu la digue énorme qui séparait le bassin de Londres et le bassin de Paris. Et puis ce détroit, ce reste d’un écroulement, devint l’un des passages les plus fréquentés de l’univers : « Les navires y circulent en foule. Les marées y vont et viennent, et continuent d’élargir la brèche qu’elles ont ouverte. C’est peu de chose, que ce fossé de trente kilomètres : par un temps clair, on aperçoit, de Boulogne, les blanches falaises d’en face. Et cependant, de combien de séparations, politiques et morales, cette légère entaille au dessin de la terre n’a-t-elle pas été le principe !… » M. Vidal de la Blache étudie le bassin de Paris, ses rivières. Petites rivières, si sages, et qui vont leur chemin, font leur besogne si docilement qu’on les croirait filles de la civilisation. Mais, pour expliquer leur cours et l’économie de leurs eaux, l’on doit se reporter à leurs ancêtres véritables et aux courans diluviens d’où elles procèdent. Les courans diluviens et nos petites rivières ? « Les directions générales des courans diluviens ont guidé les directions de la plupart des rivières actuelles. Le centre d’attraction vers lequel ces masses d’eau se sont portées, du Nord, de l’Est et du