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Je demande qu’on les chasse tous, excepté le Roi : vous savez pourquoi. (On applaudit.) »

Et cætera. Cela voulait dire : « Je suis d’avis d’ajourner la proposition. » Barrère voulut l’amender, joindre aux Bourbons exilés Roland et Pache. Un autre fit remarquer qu’elle méritait plus d’attention, un des Capets se trouvant être représentant du peuple. Bref, elle fut ajournée. Mais Louis-Philippe ne le savait pas, lorsque de Tournai, il écrivit au Président de la Convention, la lettre que voici :

« J’apprends par les journaux qu’un décret nous enjoint de nous éloigner de la France, et de quitter ses armées. Quelle que soit l’amertume de mes regrets, en me séparant de mes compagnons d’armes, je désire informer la Convention nationale de mon entière soumission à ce qu’elle a cru devoir prescrire dans l’intérêt du repos de la France et de la consolidation de la liberté glorieusement conquise par elle. Etranger à tous les partis, animé d’un dévouement à la Patrie et à la cause sacrée de la liberté, égal à celui dont mon père a donné tant de preuves, j’emporterai sur la terre étrangère, avec l’espoir que des temps plus propices me rouvriront les portes de la France, le souvenir si consolant pour moi qu’avant de la quitter j’ai eu le bonheur de combattre pour elle, et de concourir à la délivrer de l’invasion étrangère dont elle vient de triompher ! »

Quel contraste entre cet honnête langage, et la rhétorique pitoyable de la Gironde et de la Montagne !

Il prend toutes précautions pour que sa lettre soit remise en propres mains au Président, lue par conséquent par celui-ci à l’Assemblée, et publiée dans le Moniteur. Après cela, il n’y aura plus d’hésitation possible.

Comme il veut forcer la main à son père, il prend les plus grands soins pour ne le point avertir de sa démarche. Il envoie à Paris son valet de chambre Gardanne en qui il a toute confiance ; il règle le voyage de façon que celui-ci arrive le matin, avant neuf heures. Gardanne ne se montrera ni au Palais-Royal, ni aux écuries de la rue Vivienne avant d’avoir accompli son message : il ira tout droit à la Convention. Le prince s’ait que son père, régulier dans ses habitudes, n’y paraît jamais avant midi.

Mais ce jour-là est précisément le 18 décembre 1792, jour fixé pour discuter l’ajournement du décret ; le Duc d’Orléans