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sous-chef d’état-major des armées alliées à Salonique. La mission doit traverser toute l’Italie, et s’embarquer à Brindisi. M. Dervillé, président du Conseil d’administration de Paris-Lyon-Méditerranée, ami personnel de M. Jonnart, a obligeamment mis à sa disposition son wagon-salon qu’il ne quitte qu’à Brindisi. C’est là que M. Robert David, ancien secrétaire du gouverneur général de l’Algérie, rejoint la mission.

Cependant M. Jonnart, en méditant les instructions qu’il a reçues, se rend compte que sur un point elles sont défectueuses. A la conférence de Londres, il a été prévu un certain nombre de mesures successives : saisie des récoltes en Thessalie, ultimatum signifié à Constantin, occupation de l’isthme de Corinthe, débarquement des troupes françaises. Or, pour que le résultat recherché soit atteint dans les conditions les meilleures, il apparaît à M. Jonnart, avec une évidence croissante, que ces mesures ne doivent pas être successives, mais simultanées. Toute la question est là ; il faut déployer l’appareil de la force pour ne pas avoir à se servir de la force. Durant les longues années qu’il a passées en Algérie comme gouverneur général, c’est la règle essentielle dont il s’est inspiré. C’est le principe dont le général Lyautey s’est si admirablement servi, dans la province d’Oran d’abord, au Maroc ensuite. M. Jonnart est donc placé en face de ce dilemme : s’il suit à la lettre le programme établi, il laisse à Constantin la possibilité de résister. L’opération risque d’échouer ou de provoquer un conflit avec les troupes royalistes, de créer un nouveau front, ce qu’il faut éviter par-dessus tout. Pour que l’affaire se réalise aisément, sans conflit sanglant, il est indispensable de modifier quelque peu l’exécution des mesures envisagées. M. Jonnart prend courageusement ce parti, sans se dissimuler que, pour le cas où il ne réussirait pas, sa responsabilité s’en trouve augmentée d’autant.

Durant sa traversée de l’Italie, il lui suffisait de lire les journaux de la Péninsule pour apercevoir un autre aspect du problème, qui, au surplus, ne lui a pas échappé La presse italienne dans son ensemble s’est montrée violemment hostile à M. Venizelos. Elle n’a point caché qu’elle lui préférait Constantin. La Tribuna écrivait, à la suite des événemens du 1er décembre : « Les désordres athéniens prouvent que Constantin et son pays s’entendent profondément, que nulle dynastie autant