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à l’autre extrémité de l’Europe un foyer de culture et d’influence françaises, dont il importait d’entretenir jalousement la flamme. Le gouvernement italien, plus rapproché du Danube, semble avoir eu aussi une vue très nette de l’importance du royaume danubien dans la grande famille latine. Ses relations avec lui devinrent de plus en plus intimes, en même temps qu’augmentaient les échanges commerciaux entre les deux pays. Mais, à Bucarest, le représentant d’un gouvernement, affilié alors à la Triplice, ne pouvait pas travailler de concert avec le ministre de la République. Celui-ci avait les mains liées par l’accord franco-russe. Or, malgré les efforts intelligens des successeurs d’Hitrowo, la Russie restait toujours la grande suspecte aux yeux d’hommes d’Etat roumains, tels que M. Stourdza, le chef du parti libéral, et son beau-frère et adversaire politique, M. Carp, chef des conservateurs dissidens. Ce dernier ne mettait dans ses propos aucune sourdine à son aversion pour tout ce qui était russe et la colportait ouvertement dans les milieux diplomatiques.


VI

Quand la coalition balkanique se forma en dehors de la Roumanie, le roi Carol se laissa surprendre par la rapidité des événemens. Il n’avait pas prévu les victoires des Bulgares et des Serbes ; il croyait à la supériorité de l’armée ottomane, pour avoir éprouvé sa valeur combative, lorsqu’il s’était mesuré avec elle ; il n’avait donc pas pris la précaution de se faire payer sa neutralité par la promesse en due forme, au cas d’un succès des Bulgares, d’un renforcement de la frontière roumaine sur la rive droite du Danube où elle restait à découvert. A la conférence, des ambassadeurs, réunie à Londres dans l’hiver de 1913, ses envoyés s’efforcèrent un peu tard d’obtenir des compensations territoriales à l’agrandissement de la Bulgarie en Thrace et en Macédoine, qui détruisait à son avantage l’équilibre balkanique. Ils demandèrent Silistrie et une rectification de la frontière en Dobroudja. Mais l’habileté persuasive de M. Take Jonesco n’eut pas de prise sur l’orgueil têtu de M. Danef ; le Bulgare ne voulut rien entendre. Une des conséquences des victoires inattendues des coalisés fut que la popularité du Roi baissa rapidement à Bucarest, où on l’accusait