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se contentant pas d’être spéculative, elle étudiât et elle respectât les conditions de l’action. Il se plaisait à dire qu’« il faut aller au vrai avec toute son âme, » et le vrai, pour lui, ce n’était pas seulement la connaissance abstraite, c’était la pratique morale et religieuse.

Un élève d’Ollé-Laprune, M. Maurice Blondel, dans un livre intitulé : De l’Action (1893), livre qui n’a pas été réimprimé, et dont on se dispute aujourd’hui les trop rares exemplaires, a repris et précisé ces vues. Partant du principe de l’autonomie de la raison, qui est, depuis Descartes, le principe essentiel de la philosophie moderne, appliquant ce qu’il appelle lui-même, d’un mot qui a fait couler des flots d’encre, « la méthode de l’immanence, » M. Blondel a analysé avec force et profondeur le fait qui lui a paru être le fait humain par excellence, celui où sont engagées toutes les puissances et toutes les facultés de notre être, à savoir : l’action. Et il a montré que l’action complète, l’action poussée jusqu’au bout postulait Dieu, et non pas seulement le « Dieu des philosophes et des savans, » mais le « Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, » le Dieu chrétien, le Dieu de l’Eglise catholique. Cette théorie neuve et hardie, à laquelle, avec certaines nuances et réserves, George Fonsegrive souscrivait de son côté, à laquelle un pénétrant philosophe chrétien, le F. Laberthonnière, apportait l’appui de son talent d’exposition, de son expérience philosophique et religieuse, cette théorie impliquait, en matière d’apologétique, d’importantes conséquences. Ces conséquences, M. Blondel les a tirées lui-même dans une Lettre sur les exigences de l’apologétique contemporaine, qui a été passionnément discutée, comme toutes les idées nouvelles et de haute portée.

En même temps que d’Ollé-Laprune, M. Maurice Blondel avait été l’élève de M. Emile Boutroux. Celui-ci avait été initié aux études philosophiques et à la doctrine de Kant par M. Lachelier. Historien original et admirablement informé de la philosophie moderne, très informé aussi des choses de science, des découvertes, des théories et des méthodes scientifiques, M. Boutroux s’est fait connaître en 1875 du public philosophique par un petit livre, la Contingence des lois de la nature, qui, sous ses formes modérées et prudentes, est la plus rude atteinte qu’eût encore subie le dogmatisme scientiste. Étudiant la hiérarchie des sciences, il constatait qu’en allant