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en Russie et en France, mais même jusqu’en Allemagne, tellement on se plaisait à voir, dans cette puissante et originale figure aux formes hiératiques, le principal garant de la paix européenne.

Pendant quelques années le monde diplomatique international ne savait au juste vers qui tourner ses regards. Il y avait bien la personnalité, s’affirmant toujours davantage, du jeune et fougueux empereur d’Allemagne qui réclamait à coup de grands voyages et de grands discours l’attention du monde civilisé. Mais cette réclame provoquait surtout du malaise. On ne savait ni ce qu’elle visait au juste, ni où elle pouvait mener le monde.

C’est alors que parut à l’horizon politique la figure d’Edouard VII. Né et doué pour l’action, tenu dans l’ombre jusqu’au déclin de son âge, le successeur de la reine Victoria se révéla, dès le début de son règne, comme l’un des moteurs les plus puissans et les plus autorisés de la politique mondiale. Tandis que l’Angleterre le reconnaissait comme leader incontesté de sa diplomatie, l’Europe, l’Amérique, l’Extrême-Orient tournèrent à leur tour leurs regards du côté de Windsor et saluèrent, dans l’action de cet esprit si fin et si mesuré, comme un contrepoids aux agissemens et aux bonimens inquiétans du grand capitaine-recruteur de Potsdam.

Du coup, la carrière d’arbitre du monde de Guillaume II était compromise. Et c’est de ce moment que date la grande rivalité de Berlin et de Londres, rivalité autour de laquelle ont gravité depuis les destinées du monde civilisé.

On était en pleine guerre russo-japonaise. La Russie subissait des humiliations profondes et qui furent le point de départ de la révolution qui gronda depuis lors dans son sein. L’Empire britannique était étroitement lié avec le Japon. On devait croire que l’abime entre la Russie et l’Angleterre s’était creusé plus large et plus profond que jamais. Et cependant, à cette même heure, Edouard VII préparait les plans d’une entente cordiale avec la Russie, entente qui avait hanté son esprit bien avant qu’il fût arrivé au pouvoir, et dont il avait ébauché les bases dans ses entretiens amicaux avec son beau-frère l’empereur Alexandre III, aux heures d’intimité de leurs rencontres à la cour de Copenhague.

Les relations entre Paris et Londres s’amélioraient et se