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garanties d’existence que le ressentiment du baron d’Aehrenthal refusait de lui donner. La négociation fut menée rapidement à Vienne par l’ambassadeur britannique, assisté de ses collègues russe et français. De son côté, le gouvernement serbe n’avait plus qu’à se résigner. Il s’exécuta dignement, sans récriminations. La population de Belgrade s’abstint de toute démonstration imprudente et inutile. La crise bosniaque ne fit qu’une victime : elle entraîna la renonciation à la couronne serbe du prince Georges, caractère trop ardent, qui s’était compromis par des actes violens et par les manifestations d’un patriotisme exalté. Le 31 mars, le ministre de Serbie remit à M. d’Aehrenthal, — promu à la dignité de comte, — la déclaration dictée par lui aux ambassadeurs de la Triple Entente : reconnaissance pure et simple de l’annexion, engagement de ne jamais s’immiscer dans les affaires bosniaques et de vivre désormais avec l’Autriche-Hongrie sur le pied de bon voisinage. En récompense de sa docilité, le cabinet de Belgrade reçut des mêmes Puissances l’assurance que l’Autriche-Hongrie n’avait pas l’intention d’attenter à l’indépendance, au libre développement ni à l’intégrité de la Serbie. Promesse de pure forme, à laquelle la diplomatie autrichienne n’attacha, on le vit bien plus tard, aucune importance [1].

Le résultat de la querelle n’était cependant pour elle qu’une médiocre victoire, péniblement remportée sur la courageuse résistance de la Serbie et chèrement payée, d’autre part, à la Turquie, la nue propriétaire de l’objet du litige, qu’il fallut indemniser. Ainsi en jugea le sentiment public à Vienne et à Budapest, qu’on avait furieusement échauffé, au point de lui faire espérer l’écrasement de la Serbie. Il se consola, en pensant qu’il n’y avait là que partie remise. Ce n’était en effet qu’une suspension d’armes. La Russie impériale ne pouvait rester sous le coup d’une défaite diplomatique, qui diminuait sensiblement son prestige auprès des nations balkaniques. Il était à prévoir qu’elle userait largement du répit qui lui était laissé pour

  1. D’après les documens publiés par le Soviet de Pétrograd, l’Allemagne s’est efforcée de dissiper l’impression causée par son intervention dans la crise bosniaque, au moyen d’un projet d’accord où elle assurait à la Russie l’exécution par l’Autriche de l’engagement de s’abstenir de toute aspiration de conquête dans les Balkans. Dans le cas contraire, elle n’aurait pas considéré l’entrée des troupes russes en Autriche comme un casus fœderis. Cet accord ne parait pas avoir été signé.