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plupart des prospectus : les prix varient de 500 à 1 200 livres par an, suivant l’élégance et la tenue de la maison. Rue de Seine-Saint-Victor, cours d’éducation de M. Verdier, dont les pensionnaires sont logés, à leur convenance, en commun ou en chambres ; point de contrainte : « il y a un uniforme pour ceux qui veulent le suivre, » insinue l’annonce. À Passy, pension du sieur Husson, à qui « l’on doit savoir gré de l’attention qu’il a prise à ne point surcharger les jeunes gens par trop d’application. » La plus aristocratique de ces maisons paraît être celle ouverte « pour la jeune noblesse, rue de Berri, par les sieurs Loiseau et Lemoine, et qui ne reçoit pas plus de trente élèves : ceux-ci sont assujettis à un uniforme dont la splendeur doit ravir leur jeune coquetterie : « habit écarlate, veste chamois et culotte de même couleur[1]. » Dans toutes ces pensions, la règle, s’il en est une, se dissimule le plus possible ; toute indépendance est laissée aux jeunes gens ; ils vont, à leur fantaisie, diner en ville ou reçoivent qui leur convient : beaucoup ont avec eux leur précepteur, qui est censé veiller à leur conduite dont se désintéresse complètement le chef de l’institution.

Ah ! ces précepteurs ! Ils abondent : toute famille aisée s’en attache un pour le moins, pauvre hère dont l’unique souci sera de satisfaire, afin de ne point perdre sa place, à tous les caprices du pupille qui lui est confié ; les parens ne l’ignorent pas et ferment les yeux. Ceux de ces Mentors dont quelques mémoriaux nous ont conservé la silhouette, semblent échappés des chapitres de Gil Blas. Celui qu’on adjoint à Dufort de Cheverny sortant du collège, s’appelle Porlier ; c’est un ancien enfant de chœur, élevé dans la maîtrise d’une cathédrale, bon musicien par conséquent, homme d’esprit et d’agréable société ; au physique, grand, haut en couleurs, le nez retroussé, fort grêlé de petite vérole, d’abord assez rébarbatif. Dès la première rencontre, il est bien convenu, entre l’élève et son professeur, que celui-ci ne parlera jamais à celui-là d’études, ni de travail, ni de rien qui puisse gêner ses caprices. Moyennant quoi, on mène très bon ménage : le jeune homme s’amuse et « le gouverneur » en fait autant de son côté. Au reste, comme Dufort, très familiarisé avec le latin et « nul » en toute autre matière, éprouve, —

  1. Thierry, Guide de l’Amateur et de l’étranger, 1787, I, 8, 54 et II, 155.